Magazine Journal intime

Bloody Money chapitre 2

Publié le 08 mars 2010 par Willb77

statue
On emploie de nos jours le terme de top manager pour désigner ces individus hors du commun qui savent fédérer les foules et côtoyer les chefs d’état sur la scène international.

A quarante trois ans, Sarah Bringman était l’icône d’une génération qui prône l’égalitarisme et la parité des sexes. Dans la mouvance actuelle, elle aurait aisément acquis tous les suffrages lors d'une élection présidentielle.


Cette pensée déclencha un frémissement de ses lèvres.
Bringman présidente !

Il y avait de quoi sourire.

Elle était persuadée que la politique ressemblait comme deux gouttes d’eau au monde des finances. Vicissitude, lâcheté, vénalité en guise de tiercé gagnant.

Elle avait appris à en jouer mais ça ne l’amusait plus dorénavant.

Sa patience s’émoussait de jour en jour.

Perdue dans ses réflexions, elle fixait sans le voir le ciel couvert d’étoiles à travers l’immense baie vitrée qui se dressait face à elle.

La lune répandait une clarté spectrale dans la pièce.

Toujours assise, les mains posées sur le buvard, elle sursauta en reprenant ses esprits

22H47. Elle cligna des yeux et tourna subitement la tête de gauche à droite, étonnée.

« Merde, je me suis endormie presque trois heures …»

Elle avait à peine somnolé dans le jet de la compagnie qui la ramenait de la Grande Pomme à 7 Heures ce matin. Elle payait cher ce surmenage.
De l’aéroport de Roissy Charles de Gaules, elle avait mis près d’une heure pour rejoindre le siège de la société. Et une trentaine de minutes pour atteindre son luxueux bureau au vingt septième étage.

Entre saluts, poignées de mains et répliques automatiques, c’était un parcours du combattant que d’accéder à son fief.

Entre vidéoconférence, réunion téléphonique et brainstormings agités, la journée avait été harassante. Mais de là à dormir debout!

Elle remballa rapidement ses affaires, éteignit l’ordinateur et enfila sa veste.

Elle déboucha dans le couloir désert et se dirigea vers l’escalier de service pour dévaler les quelques marches qui la libèreraient de sa geôle. Un peu d'exercice la garderait éveillée.

Elle descendit presque d’une traite les dix sept étages. A peine essoufflée en parvenant au parking souterrain, elle dévora la distance qui la séparait de sa berline cabriolée allemande et s’installa confortablement au volant.


Son premier geste fut d’allumer le lecteur de CD.
Les riffs endiablés de « Whole lot a love » du guitariste des Led Zeppelin se diffusèrent dans l’habitacle, faisant vibrer les sièges. Le rock et ses paroles subversives étaient une de ses marottes, son billet d’entrée pour sa chambre anti-stress personnelle. Peu de personnes étaient dans la confidence.
Elle adorait conduire dans cette ambiance sonore dévastatrice qui anesthésiait tout son réseau neuronal et nerveux.

 Les vitres ondoyaient sous les assauts répétés des guitares électriques et des batteries déchaînées tandis que les bâtiments monolithiques défilaient au-dehors.

Elle s’autorisait cet exutoire chaque fois que c’était possible.

 Toute sa tension était emportée dans la tornade musicale. Elle se purifiait .Le temps d’un trajet, ses rides s’estompaient, ses yeux retrouvaient leur pétillant éclat, ses courbatures s’évaporaient. Elle avait de nouveau seize ans. La vie était merveilleuse, les soucis se résumaient au choix de sa robe pour le bal de fin d’année et à l'inquiétude du port d'un appareil dentaire.

Elle conduisit à vive allure pendant trente minutes, dispensant une traîne cacophonique dans son sillage. Deux chiens aboyèrent à l'intention du bolide hurlant.
Le paysage s'était progressivement transformé sur le passage du véhicule.
Les immeubles gris s'étaient clairsemés pour laisser place à des propriétés à l'image de la personnalité et du porte-monnaie des respectables notables qui les occupaient.
En franchissant la limite qui marquait l’entrée de son quartier résidentiel, elle coupa le son.
Fin du second chapitre.
Retrouvez le premier ici.


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