Magazine Nouvelles
trois pour le prix de deux
Publié le 09 mars 2010 par KranzlerIl faut bien se mettre à ma place : je déteste porter la barbe et le rasoir irrite ma peau. Alors je n’ai pas d’autre solution qu’acheter ma crème à raser en pharmacie, où on trouve des marques qui rende la corvée plus agréable. Par exemple, la mousse Vichy n’est pas mal. Et elle dure longtemps. Environ quatre mois pour une bombe, je trouve que ce n’est pas de l’escroquerie. Et là, la pharmacienne très prévenante et très conne me dit qu’il y a en ce moment une promotion trés intéressante que je ne dois en aucun cas laisser passer : trois bombes pour le prix de deux, dans une jolie trousse qui plus est, élégante et pratique. Un rapide exercice de calcul mental : trois bombes, voilà qui ferait un an de produit acheté d’un coup. Il n’y a pas encore de réelle menace de guerre, que je sache. Les rumeurs de cataclisme me semblent peu sérieuses. Et puis la trousse, je la trouve passablement tarte pour tout dire. Moche, inutile, cheap, sans compter que trois bombes - meme si j’en utilise une tout de suite - je ne sais pas où je vais les mettre. Alors, le plus aimablement possible, je lui fais comprendre que je ne suis pas intéressé par son offre, ce sur quoi elle me fusille du regard, la pauvre doit vraisemblablement avoir une fameuse quantité de trousses à écouler, bla-bla-bla, mais ce sera sans moi. Et ensuite, au supermarché, juste alors que je suis presque arrivé à la caisse, il y a juste devant moi ce caddy plein à craquer, celui d’une dame qui a dû oublier quelque chose au dernier moment - peut-être du persil ou des couches culottes. Un caddy sans personne pour le pousser, dégueulant et immobile, et que je vais sans doute devoir doubler. Oui? Non ? Oui non ? Oui, je le double. Et alors que tous mes achats sont posés sur le tapis, la dame arrive en courant, dans une symphonie de médailles et de colliers sonnants, les mains vides, scandalisée, comment ai-je pu oser prendre sa place, oui comment. A quoi je réponds avoir attendu un peu avant de lui faire preuve de ce manque de courtoisie, et avoir cessé d’hésiter en voyant qu’elle ne revenait décidément pas. Outrée, elle m'informe qu'elle pensait trouver tout de suite, bla-bla-bla, oui tout de suite,bla-bla-bla, ce qui rend mon comportement inacceptable et, selon elle, irrespectueux, bla-bla-bla, ce qui ne me laisse guère d’autre choix que de l’interrompre pour lui dire que dans un supermarché personne ne lui demande de penser. Je sais que je lui parle comme si elle était un peu idiote, mais je dis que certains jours les meufs gonflent sévère.