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La crise de la liturgie : entretiens avec Mgr Piero Marini (4)

Publié le 11 mars 2010 par Hermas

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La dernière partie de l’ouvrage de Mgr Piero Marini, est différente de la première. Il ne s’agit plus de répondre à des questions. Elle porte le titre général : « ANNEXES » et parle de « beauté et de liturgie » (op. cit. p. 169). Je me contenterai tout simplement de citer Mgr Piero Marini. Certains peuvent ne pas partager toutes ses options, mais nul, comme je l’ai déjà  dit ci-dessus, ne peut nier sa compétence et son sens spirituel. Puissent ses réflexions faire réfléchir  ET FAIRE RETROUVER AUX PASTEURS LE VRAI SENS DE LA LITURGIE « œuvre de Dieu » (p. 174).
2. Le fondement de la beauté de la liturgie
« Y-a-t-il une limite entre l’émotion esthétique et le véritable sens spirituel ? Que signifie avoir une belle liturgie, répondre au goût des consommateurs ? La liturgie n’est pas une sorte de marchandise, elle n’est pas le supermarché de l’Eglise ! Nous savons qu’elle est avant tout œuvre de Dieu, adoration, accueil, gratuité. Alors, nous devons nous demander quels sont les critères fondamentaux de la beauté de la liturgie au-delà des gouts et des modes. Ce serait en effet une grande erreur d’appliquer simplement à la liturgie les goûts profanes du beau (op. cit. p. 174)..

2.1. La Liturgie, acte du Christ et de l’Eglise

« Pour comprendre la beauté de la liturgie, il est nécessaire de partir de la conception de l’Eglise : elle « est, dans le Christ, en quelque sorte le Sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de tout le genre humain » (Lumen Gentium, I). L’Eglise, donc, à travers son être de « signe » rend possible, d’une certaine manière, la perception du Christ comme Sacrement de Salut. C’est précisément à partir de cette sacramentalité que s’articulent les Sacrements proprement dits. Le Sacrement, acte de l’Eglise, est aussi acte du Christ, parce que l’Eglise ne fait rien que le Christ ne lui ait dit et enseigné de faire : « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22, 19). Les Sacrements sont les modalités par lesquelles le Christ nous communique son salut : « Lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ qui baptise » (Sacrosanctum Concilium, 7). Saint Léon le Grand dit : « Ce qui était visible dans le Christ est passé dans les Sacrements de l’Eglise (Léon le Grand, Sermo 74,2 : PL 54, 358). La liturgie est Acte du Christ et de l’Eglise ; elle ne dépend pas essentiellement de la sphère intellectuelle, mais elle repose sur le principe de l’Incarnation, et comporte une dimension esthétique. Alors, nos gestes, dans la célébration, sont importants, car ils sont les gestes de Jésus. Dans la célébration liturgique et les gestes concrets qu’elle requiert, l’Eglise ne fait rien d’autre que de prolonger et d’actualiser les gestes du Seigneur Jésus (Note : c’est moi qui souligne). Les gestes de la liturgie ont donc en soi leur beauté et leur esthétique, en tant que gestes du Christ, avant encore la beauté accessoire et secondaire que nous pouvons ajouter (ibid. p. 174-175)

2.2. La noble simplicité de l’amour

« Les Evangiles nous présentent la gestualité concrète et humaine de Jésus : il marche, bénit, touche, guérit, fait de la boue, lève les yeux vers le ciel, rompt le pain, prend le calice. Ce sont des gestes que, la liturgie reprend dans la célébration des Sacrements. Mais c’est surtout la veille de sa Passion que Jésus a enseigné les gestes que nous devons accomplir à notre tour. Il est le maître de notre éducation liturgique. Son art consiste à mettre l’essentiel en peu de choses. La signification de la liturgie ne devient transparente que dans la simplicité et la sobriété. « Père Saint, quand l’Heure fut venue où tu allais le glorifier, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout : pendant le repas qu’il partageait avec eux, il prit le pain, il le rompit et le donna à ses disciples en disant : prenez et mangez-en tous : ceci est mon Corps livré pour vous. De même il prit la coupe remplie de vin, il rendit grâce et la donna à ses disciples… » (Prière Eucharistique IV). Qu’est-ce qui rend beau le geste du Seigneur ? La décoration de la salle ? La manière dont la table a été préparée ? La richesse de la nappe ? Certes, tout cela sert à souligner la beauté comme un cadre met en évidence la beauté d’un tableau. Mais la vraie beauté est le geste de l’amour salvifique : « il les aima jusqu’au bout… il prit le pain ». C’est pour cela que le geste est beau. Lorsqu’elle répète le geste du Christ, l’Eglise le trouve beau parce qu’elle reconnaît dans le geste l’Amour de son Seigneur. Le sens esthétique, le sens de la beauté de la liturgie, ne dépend pas en premier lieu de l’art, mais de l’amour du Mystère Pascal. Pour collaborer avec la liturgie, l’art a besoin d’être évangélisé par l’amour. La beauté d’une Célébration Eucharistique ne dépend pas essentiellement de la beauté architecturale, des icônes, des chants, des ornements sacrés et des couleurs, mais en premier lieu de sa capacité à laisser transparaître le geste d’amour accompli par Jésus. Par l’intermédiaire des gestes, des paroles et des prières de la liturgie, nous devons reproduire et faire transparaître les gestes, la prière et la parole du Seigneur. C’est là le commandement que nous avons reçu du Seigneur : Faites ceci en mémoire de moi » »
« Le style liturgique, comme celui de Jésus, doit être simple et austère. Dans les célébrations, nous devons devenir, selon les Pères du Concile, les maîtres de l’art de la « noble simplicité » (S.C., 34) (ibid. p. 175-177)
Une réflexion personnelle : Que Mgr Piero Marini me pardonne d’interrompre ses considérations profondes. Mais qui, mieux que le prêtre peut  être ce « maître de l’art et de la simplicité…Qui mieux que le prêtre, « par l’intermédiaire des gestes, des paroles et des prières de la liturgie » doit « reproduire et faire transparaître la prière et la parole du Seigneur » ? Comment, en s’en tenant aux rites prescrits par le Magistère, sans théâtre ou gestes théâtraux, sans ôter ou ajouter quoi que ce soit, sans « réciter » tout simplement le texte du Missel, de mémoire, en regardant la foule, et trop souvent, avec une vitesse qui ne permet pas aux fidèles de suivre les paroles que prononce le prêtre, et qui sont les paroles que Jésus prononce lui-même en ce moment solennel, par la bouche du prêtre, qui fait cela « en mémoire de moi », de Jésus, «  in persona Christi ». La manière sobre, et en même temps hiératique, de célébrer du prêtre, devient un enseignement pour les fidèles, les fait revivre ce moment grandiose : « ceci est Mon Corps, Ceci est Mon Sang ». Ne pas en être conscient, ne pas se mettre dans ces dispositions, c’est DESACRALISER le « Mysterium Fidei », paroles que prêtre prononce précisément aussitôt après, comme acclamation : « Il est grand le Mystère de la foi : si nous, les prêtres nous en sommes convaincus les premiers, par la beauté simple du geste et les paroles prononcées avec foi et respect, nous ferons passer notre conviction aux fidèles pour qu’ils en vivent, et ils en vivront.
2.3. Geste, parole, espace, temps et ordre

« Dans la liturgie, les gestes est toujours accompagné de la parole. Tout se déroule, comme dit le Concile, per ritus et preces, des rites et des prières éclairés et vivifiés par la parole. La parole et le geste ont cependant besoin, tous les deux, de temps et d’espace. Le Verbe fait chair a eu besoin de temps et d’espace pour ses gestes de salut. La liturgie et l’espace dont le Christ a besoin pour s’exprimer, et le temps qui lui sert pour se raconter.
« Mais dans la liturgie, l’espace et le temps sont soumis à la règle de l’ordre. De par sa nature, la liturgie exige l’ordre. Il n’y a pas en effet de liturgie sans indication données par les rubriques, c’est-à-dire sans les indications de l’Eglise. Cela est attesté depuis les plus anciens textes liturgiques. La beauté de la liturgie est donc le fruit de l’ordre. La quasi-totalité des livres de la réforme liturgique comportent comme premier mot tu titre le mot ordo. L’ordre requis par la liturgie concerne diverses réalités : le temps, l’espace, les relations avec les autres ; bien plus, la liturgie exige aussi de l’ordre en nous-mêmes.
« Quarante ans après Sacrosanctum Concilium, nous sommes invités à nos interroger : les rites et les gestes que nous accomplissons sont-ils vraiment les gestes du Christ ? (Note, c’est moi qui souligne). La liturgie que nous célébrons est-elle un espace donné au Christ, ou bien nous est-il réservé ? Le temps consacré à la liturgie est-il un temps où le Christ se raconte, ou bien un temps où nous nous racontons nous-mêmes, ou simplement un temps vide ?
(Note personnelle : comment un prêtre peut-il terminer une Messe du Dimanche, avec homélie, chants, distribution de la Sante Communion, en disant, en arrivant à la sacristie : « Ah, je suis content, je n’ai mis que 40 minutes pour la Messe, comme le veut le Curé ? (sic ! entendu personnellement) ; ceci dit, en me regardant fixement, avec fierté,  car je célèbre la Messe du dimanche en  50-55 minutes, sans faire de théâtre, mais conscient que, en disant par exemple « Père infiniment Saint », c’est à Dieu que je parle, que je ne récite pas simplement un texte, que ce n’est pas aux fidèles que je m’adresse… Ce qui m’a valu de me voir retirer la célébration de la Sainte Messe dans cette paroisse, où je célébrais chaque dimanche depuis 30 ans !).
« La liturgie que nous célébrons, outre qu’elle a son ordre, qu’elle est une suite de rites, est, elle aussi, source d’ordre dans nos rapports avec les autres ? Est-elle source à l’intérieur de nous-mêmes ?
« Ces questions servent non seulement à comprendre l’essence de la liturgie, mais aussi à clarifier le sens et la participation active sur laquelle a tant insisté le Concile ? (ibid. p. 177-178)

Mgr Jacques Masson

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