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Nausicaa au miroir

Publié le 11 mars 2010 par Angèle Paoli


NAUSICAA AU MIROIR

Nausicaa,

couchée dans ton lit d 'asphodèles       nid et nœud
tu tresses       silencieuse
les lierres enchenillés au chèvrefeuille

[quel adjectif autre que ― virile viride ―
pour dire la fémin-îlité d'une image
d'une phrase d'un style d'une offrande
d'un rêve à la mue printanière]

fougères volubiles enroulées aux tiges roides
et ton sexe noué       suave végétale       au tronc qui t'accueille
lascive      tu enlaces de tes bras de tes cuisses
le membre herbu de l'arbre échoué sur la plage
et tu danses      nue      la fière sarabande apprise de tes aïeules

― ronde boucle portée à tes lubies de lune
pierre exacte dressée dans ses eaux ―

Nausicaa, fille d'Arété,

tu brûles tes encens
dans le chant qui t'immole
bruyère de soleil déployée à ta couche
et voilà que jadis te revient en mémoire
toi qui jamais ne rêves du rêve qui te rêve

qui es-tu ― hypomée douce de hasard ―
qui chante dans sa source
innocente du fiel et du miel de tendresse

un oiseau d'eau ― talève sultane calandrelle cendrée ―
déroule quelques notes flûtées
grains d'ellébores en chapelet
de pluie de gouttes de rosée

Nausicaa, fille d'Alcinoos,

tu rêves tu défais
les boutons cuivrés de la veste bleu roi
qu'il t'a laissée en souvenir de lui
tu les roules entre tes doigts
les fais reluire aux voiles d'eau de ta tunique
ils brillent ronds et lourds pareils aux nectarines de tes seins

une autre fauvette       hypolaïs bavarde      lance ses trilles ― arbre touffu ―
tu guettes hors de ta couche d'asphodèles
la venue du printemps ― féminité de l'air qui glisse sur ta joue ―
la solitude de ce jour point ne te pèse
elle te prend dans ses mots filaments
étirements fluides à même la peau du ciel

― crocus mauves en corolles à foison au revers des talus ―

on se croise on se salue
veste jetée en travers de l'épaule
échanges de peu de     esquisses de

Nausicaa,

confie-moi ton rêve
le bateau qui s'éloigne
vers quelle tempête cingle-t-il
et ce sourire d'elle qui t'effleure
pourquoi vient-il te visiter
est-elle morte est-elle vive
pareille à l'eau qui ne se peut saisir
musique fraîche au vallon
qui rythme sa cascade sur la mousse

Nausicaa,

te voilà à la source claire
penchée sur la vasque ― eaux limpides au miroir ―
tu te berces de songes
et t'enivres aux volutes de son rire
foisonnement de perles à l'émail de ta bouche

Nausicaa,

je te lis
dans ton ombre
et me mire
― en tes secrètes
évasions

Vestale du désir.

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli


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