Magazine Humeur
Petit essai de politique sanitaire–fiction : Joffre-Dupuytren à la pointe de la réflexion d’anticipation
Publié le 14 mars 2010 par CmdjdAvertissement de la Rédaction : Ceci est une fiction d’anticipation. Personne n’a encore jamais avoué avoir conçu le type d’idées ou de projets décrits ci-après.
Une vieille histoire raconte que la SNCF ayant remarqué que, lors d’un accident de train, la plupart des victimes se trouvaient dans le dernier wagon, elle avait décidé de supprimer le dernier wagon de ses trains.
Un exemple à suivre par les gestionnaires de la santé publique : une bonne moitié des dépenses d’assurance maladie ayant lieu durant la dernière année de vie, il suffirait de supprimer cette dernière année pour diviser par deux les dépenses nationales de santé.
Une autre histoire raconte comment un savant s’étant mis en devoir de couper une à une les pattes d’une puce, et l’ayant vu de plus en plus difficilement répondre à l’instruction de sauter, en avait conclu que couper les pattes d’une puce la rend sourde.
Un exemple à méditer par les gestionnaires de la santé publique : éloigner les lieux de prise en charge des personnes âgées de leurs lieux de vie permettrait de réduire drastiquement les demandes de ces prises en charge.
En attendant des progrès suffisants de la médecine prédictive pour permettre la détection de la dernière année de vie, seule une approche statistique peut être en mesure d’aider nos gestionnaires dans leur quête de l’équilibre financier.
Ainsi, rendre la vie aussi insupportable que possible aux personnes âgées peut être vu comme une priorité budgétaire nationale : déremboursements divers limitant les possibilités d’apaisement de tous les maux du quotidien, retard dans le rattrapage du montant des pensions de retraite, culpabilisation des retraités devant le poids qu’ils font subir aux plus jeunes qui financent leurs pensions, éloignement et diminution du nombre des lieux de soins, … Toutes les idées sont bonnes à prendre, et ce d’autant plus qu’elles pénalisent prioritairement les personnes âgées, leur rogne le goût de vivre, donc réduisent leur capacité à atteindre cette fameuse dernière année de vie. Et cela sans compter les bénéfices financiers directs de telle ou telle mesure (déremboursements, montant des pensions, …).
Tout le problème est alors de faire en sorte que l’année qui précède la dernière année ainsi supprimée ne devienne pas ipso facto elle-même une nouvelle dernière année, avec son corrélat de dépenses de soins (la principale objection faîte à la SNCF dans son fameux projet « Dernier wagon »). Un vrai cauchemar de technocrate !
Un cauchemar ? Un défi, plutôt ! Car il ne faut jamais sous-estimer les capacités imaginatives de nos élites technocratiques, formées à l’excellence dans les meilleures écoles. Non plus que celles de Think Tanks par lesquels des experts judicieusement choisis peuvent venir en appui pour relever les défis les plus audacieux.
Réduire l’offre de soins aux plus âgés n’est évidemment qu’une partie de la façon de répondre au défi.
Une autre partie de la réponse se doit d’impacter réellement le coût des soins de la dernière année de vie (et l’on admirera au passage la maîtrise du vocabulaire managérial, gage de compétence dans ce domaine). Il ne peut évidemment être question de limiter ce coût a priori, question d’image, et d’ailleurs comment pourrait-on faire ? Mais puisque la dernière année de vie ne se définit en pratique qu’a posteriori, pourquoi ne pas demander alors remboursement des soins qu’elle a occasionnés. L’Aide Sociale avait bien lancé la technique en se remboursant des sommes versées sur la succession au titre de créancier prioritaire. Une simple extension de la technique aux soins de santé de la dernière année de vie aurait ainsi l’avantage de reprendre une méthode déjà acceptée sur son principe, techniquement bien rôdée, et d’une efficacité imparable.
Comment n’y avait-on pas pensé jusqu’à présent ? Tout simplement parce que les meilleures écoles administratives ont malgré tout leurs limites, et parce que nul n’avait encore songé à interroger la Think Tank de l’Hôpital Joffre-Dupuytren.
Amis technocrates, demandez et il vous sera répondu, en toute modestie.
A côté de cela, certaines dispositions de bon sens ne sont quantitativement que mesurettes pour l’image. Mais l’image est importante, et donc ce qui y contribue ne doit certainement pas être négligé.
Ainsi d’une idée primaire posant que puisque les besoins en soins de la population augmentent mécaniquement avec son vieillissement moyen, une part plus conséquente du budget national doit être consacrée à ce poste. Autrement dit, inutile de chercher la quadrature impossible du cercle : si l’ONDAM est insuffisant, la seule solution raisonnable est de l’augmenter. Question d’arithmétique élémentaire, niveau CE2.
Sauf à requalifier une série de situations jusqu’à présent classées parmi les problèmes de santé, donc couvertes par l’ONDAM, en autre chose qui n’en dépende plus. Prenons un exemple : nul ne contestera que l’alimentation joue un rôle fondamental dans l’équilibre glycémique des patients diabétiques. Pour autant, même si l’alimentation est dans ce cas un moyen de contrôler l’état de santé, l’évolution d’une maladie, et même si la médecine le reconnaît à ce point qu’elle a créé une spécialité de médecin nutritionniste, les coûts de l’alimentation ne sont jusqu’à présent pas reconnus comme des coûts de santé, pris en charge par l’Assurance Maladie, et couverts par l’ONDAM. Rien de choquant donc à ce que les autres méthodes de contrôle de l’équilibre glycémique puissent être traîtées à l’image de l’alimentation, donc exclues du cadre de l’ONDAM. De même pour le contrôle du taux de cholestérol, également lié à l’alimentation, et dont les divers moyens de régulation auraient légitimité à sortir du champ médical remboursé.
En sorte que, une fois le champ de l’ONDAM suffisamment réduit, l’ensemble de son budget devient largement excédentaire pour la prise en charge des pathologies couvertes, dont la couverture et les moyens qui leurs sont affectés peuvent même être alors significativement accrus. Question d’image, encore !
A nouveau, amis technocrates, demandez et il vous sera répondu, en toute humilité, par la Think Tank de l’Hôpital Joffre-Dupuytren, jamais avare de son aide discrète, compétente, efficace, s’appuyant sur une longue expérience dans le domaine de la gestion de la pénurie.
Un proverbe proclame « Il n’y a pas de problèmes, il n’y a que des solutions ». A son modeste niveau, la Think Tank de l’Hôpital Joffre-Dupuytren s’honore de pouvoir mettre sa foi en cet adage et sa capacité imaginative au service de la collectivité.
Avertissement de la Rédaction : Ceci était une fiction d’anticipation. Personne n’a encore jamais avoué avoir conçu le type d’idées ou de projets décrits ci-dessus.