J’attendais un signal positif. Un message qui passe au vert. Comme ce rayon de soleil friandise de ce matin, que je me suis mangé les yeux fermés. Avec pour corollaire existentiel un essaim de crampes au ventre garanties. Car trop vite ingurgitées, les bonnes nouvelles renforcent mon mal être. Mais ce soir la lune est pleine et descend plus bas que les arbres. J’appréhende un état dépressif persistant nourri par l’effroi que les jours se ressemblent. Avec leurs lots de catastrophes en chaînes. La terre qui tremble sans prévenir, la hantises des tsunamis aux vagues scélérates, les explosions de gaz qui n’ont rien de naturel , les trains qui se passent des signaux et au carrefour des magasins, les grévistes comme les derniers des Mohicans, impuissants et dépités. Comment faire entendre le chant des sirènes ou négocier quelques deniers supplémentaires, quand nos espérances tiennent de la gageure.
En l’attente de renouveau, j’allais au gré des désespérances et des mauvaises nouvelles. Prisonnier d’une information morbide orchestrée autour de la mort, principale héroïne de mon feuilleton télévisé préféré. Celui de ma petite vie qui s’agite et s’époumone autour de l’actualité en commentaires que je voudrais malins, à tout le moins interpellant. Je me laisse prendre au jeu des émotions obligatoires. Vingt morts dans un accident près de chez moi auraient plus d’importance qu’un même nombre dans un pays lointain ? Sors ton mouchoir. Sans doute parce qu’ils nous ressemblent, qu’ils pourraient faire partie de nos proches, ou être nous. Que valent vingt morts d’un continent lointain dans une explosion de gaz ou une collision de trains ? Un entrefilet, un jet d’encre, une allusion ou un non choix de sujet, un oubli de journal télévisé. Quel est le chiffre clé qui rend le fait divers digne d’être mentionné ? La télévision est notre seconde occupation après notre sommeil. Elle décide pour nous de ce qui est intéressant, digne d’être annoncé ou indigne d’être montré. Ce qu’elle juge digne d’être montré n’est il pas bien souvent au-delà de l’indigne ? Le sensationnel nous attire, les morts damnent le pion aux vivants. Qui regarderait si nos chaînes nous montraient des naissances à la place de morts ? De l’autre côté du miroir, le chapelier m’invite à prendre le thé.
Je suis épuisé, je cherche d’autres repaires. Une autre manière de vivre moins dépendante de l’émotion commune. Comme un Indien contraire, je veux vivre à l’envers du consensus. Hors les sentiers battus des larmes sur commande. Au fond du trou, avec l’incohérence des rêves cauchemardesques qui tourne l’évidence en dérision. Je veux rencontrer Alice et l’extraordinaire !
Au Bozar, nos ministres rendent un hommage surréaliste aux morts de Buizingen devant les sièges restés vides des familles de victimes. Le traintrain quotidien reprend ses droits.. Les cheminots nettoient les voies, de toutes les façons, ils n’étaient pas invités. Pourquoi pleurer avec le petit peuple des secondes ? Alors qu’il est si simple de pleurer artistiquement entre élus ou nantis des premières avec l’élégance des violons au son d’une voix d’un autre temps dans des fauteuils en velours subsidiés. Les parlementaires vont lancer une enquête qui constatera que nous savions mais que savoir n’était pas suffisant pour agir.
Les grévistes reprendront le travail sans conviction. Nos ministres vont discourir. Les accidents s’enchaîner, les éléments se déchaîner et les images se faire rares.
Quelques jours plus tard, une mésange s’est jetée sur le carreau ensoleillé de ma fenêtre. Assommée, je l’ai réchauffée dans ma main. Je lui ai murmuré des mots tendres. Elle s’est laissée faire. Une heure de paix. Oubliant ses craintes. Elle m’a accordé sa confiance. Elle s’est envolée le lendemain matin. Ragaillardie. Nous ne passerons pas au journal de vingt heures. Elle est en moi. Comme un signal de renouveau.