Comme à son habitude, Valérie écrivit deux lettres, une qu’elle envoya et l’autre pas. Voici la première.
Cher toi,
Ce n’est pas parce que j’ai deux beaux enfants, une machine à laver et un sèche-linge, un appartement en ville et une maison à la campagne, une langue maternelle et une terre d’accueil que je ne t’aime pas exclusivement. J’en suis déjà à mon deuxième mariage. Sache qu’un deuxième divorce ne m’effraie pas.
J’aime tes caresses volées, la sauvagerie de nos rendez-vous, la fulgurance de nos orgasmes et notre liberté. Tu m’appelles et je viens. Je mens, j’invente une seconde réalité pour mon entourage et chaque fois, je me réinvente dans tes bras.
La demi-mesure, non merci, très peu pour moi ! Je préfère le double shot, le double martini, le double whisky, mon mari et… toi ! Je ne suis pas cruelle, puisque tu connais d’avance les règles de mon « je ». En bonne maîtresse, je t’ai enseigné ma grammaire d’amante. En mauvais élève, tu t’es moqué de mes règles de conjugaison.
Dehors, le passé simple, le futur antérieur ou le plus-que-parfait ! Ensemble, nous ne voulons que ce présent rond dans lequel nous nous blottissons l’un contre l’autre.
J’aime tes silences, tes soupirs et tous les non-dits entre nous. J’aime les interdits que nous franchissons comme deux vieux enfants. J’aime penser que tout cela ne s’arrêtera jamais. Et pourtant si, aujourd’hui…
Toute lettre de rupture est une déclaration. On ne quitte que les gens qu’on aime. Les autres, on les abandonne, on efface leur numéro ou on les oublie tout simplement.
Or en ce moment, tu es en train de lire ma lettre de rupture, comprends donc à quelle catégorie tu appartiens. Tout ça ne s’argumente pas. Il n’y avait aucune raison de t’aimer tout comme il n’y en a aucune de te quitter. Point à la ligne.
Je m’efface et déjà je cède ma place à d’autres mots que les miens. Tu les reconnaîtras.
« Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t’en »
Valérie