J'espère que l'éditeur ne m'en voudra pas de lui emprunter un extrait des Lettres et carnets de Hans (et Sophie) Scholl, Tallandier, 2008. Car c'est une occasion supplémentaire de recommander ce livre qui contient la moitié de la correspondance de deux membres de «La Rose blanche», rassemblée par leur sœur aînée Inge. On trouve peu de choses compromettantes (mais en lisant entre les lignes, on découvrira de nombreuses allusions au régime hitlérien), car les lettres compromettantes ont, la plupart du temps, été détruites par leurs destinataires. L'extrait ci-dessous est très intéressant, car il donne une idée de la mentalité d'un soldat-étudiant allemand réfléchissant sur sa culture.
Journal de Russie
Dimanche, 22 août 1942
Nous autres Allemands n'avons ni Dostoïevski ni Gogol. Ni Pouchkine ni
Tourgueniev. Et Goethe, et Schiller ? répond quelqu'un. Qui ? Un homme de
culture. Quand as-tu lu Goethe pour la dernière fois ? Je ne m'en souviens
plus, à l'école, ou quelque part ailleurs. J'interroge un Russe. Qui sont vos
écrivains ? Oh, répond-il, tous, nous les avons tous, il n'y en a pas d'autres
sous le soleil à part eux. Qui est donc ce Russe ? Un paysan, une
blanchisseuse, un facteur.
Mais je vous en prie, mon très honorable universitaire, je vous vois froncer le
nez, pas un mot contre Goethe, rien contre Schiller, Hölderlin ou Stifter, vous
ne connaissez pas j'imagine? À quoi bon? On peut vivre sans eux. On peut se
passer de tout, sauf de vitamines, de calories, de divertissements et de
plaisirs.