Bonjour madame, est-ce que vous avez une robe de soirée qui permet de vomir facilement ? Avec une poche interne en plastique par exemple. Il faut que ça reste discret et élégant, bien entendu.
C'est pour un mariage.
Ma belle-soeur se marie dans 3 jours seulement, et moi je suis malade comme un chien. En tant que témoin, je suis censée être un minimum présentable. Ne pas tousser jusqu'à cracher mes boyaux sur
le registre de la Mairie sera déjà un bel effort. J'ai prévu pour l'occasion de cacher à mes pieds une petite bassine "spécial tuberculeux", assortie à ma robe évidemment, je ne néglige jamais ce
genre de détails. Et dans mon sac à main, un rouleau de sopalin pour éponger mes débordements nasaux.
Par contre, question tenue de soirée, rien ne va plus. Trouver une robe en polaire, qui aille avec mon écharpe, mon cache-nez, la bassine en plastique et les essuie-tout, c'est pas si évident.
Depuis l'annonce du mariage, toutes les femmes de la famille sont en panique.
"Qu'est-ce que je vais mettre, mon dieu, il ne reste plus que 5 mois et 12 jours, c'est affreux, je n'aurai jamais assez de temps pour trouver une tenue !"
Vous imaginez l'hystérie collective.
Dans cette quête absolue et fanatique du fameux Graal vestimentaire, je me suis posée cette question existentielle : suis-je vraiment une femme ?
Alors que les autres s'échangeaient des idées, courraient de boutiques en boutiques, essayaient escarpins et bijoux, moi je restais au point mort, fidèle à mes principes de m'y prendre forcément au
dernier moment.
La semaine dernière j'ai enfin trouvé une jolie robe décolletée qui ne semblait attendre que moi. Mais le destin en a voulu autrement, comme un avertissement divin, l'opprobre jeté sur la femme
pécheresse qui allait oser montrer la naissance de ses seins, je me suis retrouvée toute endolorie de la gorge et condamnée au port du col roulé avec écharpe intégrée pour une durée
indéterminée.
Ah, je serai belle samedi, avec ma démarche de zombie, la peau cadavérique, les yeux larmoyants, les cheveux hirsutes, emmitouflée sous des dizaines de couches. Plus tard certains diront devant les
photos de cette journée, "la mariée était belle ! Mais franchement, vous avez remarqué la belle-soeur ? Ce n'est pas pour critiquer, mais vraiment elle n'a fait aucun effort".
Je porterai cette honte en moi, en regardant parfois la jolie robe décolletée jamais portée, rangée au fond d'un placard.