Ceux qui posent en leur chair
Publié le 17 mars 2010 par Jlk
Celui qui surgit dans la clairière de la véranda / Celle qui repose sur le divan chamarré / Ceux dont la chair vibre au blanc de Krems / Celui qui enlace la grande chienne glabre à ventre rose / Celle qui étale ses longs cheveux orangés sur le demi-queue / Ceux qui ne voient pas dans les corps de Lucian Freud le moindre académisme ni la moindre obscénité / Celui qui fait observer à la vieille Frau Professor de Tübingen la délicatesse des bourses du jeune Irlandais rougeaud /Celle qui résume bien l’esprit de la peinture de Lucian Freud en affirmant que tout y est large ouvert / Ceux qui rêvent d’un jardin où chacun serait accueilli dans sa splendeur mince ou dans sa pantelante décrépitude / Celui qui trouve une émouvante beauté au dos monumental du performer trônant gras et ferme sur son cul / Celle qui a rarement vu des chiens si chiens en peinture / Ceux que le respect de ce peinture pour son sujet (qui est essentiellement sujet de peinture-peinture) incitent eux-mêmes à une sorte de silence sacré devant La Chose / Celui qui remarque que le timbre de la voix de Lucian Freu commentant ses œuvres a la même douceur que celle de Bergman prenant un acteur dans ses bras ou que Francis Bacon dans le chaos de son propre atelier / Celui qui affirme que l’essence de l’art de Freud (le petit-fils de Sigmund) se concentre dans ses fusains et ses gravures / Celle qui redécouvre la grâce de ses bourrelets graisseux sous la lumière d’une fin de matinée / Ceux qui laissent venir à eux la beauté des choses, etc.
(Notes prises au sortir de L’Atelier de Lucian Freud, à voir absolument à Beaubourg)
Image: la mère de l'artiste