Aux côtés de la figure et de l'exemple du saint Curé d'Ars, sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus tient également une place importante dans la vie des prêtres. Elle les a portés par sa prière et par une correspondance régulière. Thérèse en a accompagnés deux comme une soeur dans leur ministère, communiant à leur zèle missionnaire. Ses lettres publiées par les éditions du Cerf sont une bonne occasion de découvrir comment celle qui se sentait une « âme de prêtre » envisageait et soutenait leur ministère sacerdotal
Par le Père Ludovic Lécuru
Sur les 266 lettres recensées de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, 17 sont adressées à deux prêtres, l'un et l'autre ses « frères spirituels » qui lui furent confiés en 1895 et 1896. Le premier, Maurice Bellière, est alors séminariste et futur missionnaire en Afrique. Le second est le jeune abbé Adolphe Roulland, qui partira en Chine où il restera treize années. Maurice et Adolphe sont respectivement un peu plus jeune et un peu plus âgé que Thérèse. Très vite, au protocolaire « Monsieur l'abbé » et « Mon Révérend Père », vont se substituer du « Mon cher petit Frère » pour le plus jeune, et du « Mon Frère » pour celui qui compte deux années de plus qu'elle et bientôt missionnaire aguerri. Il sera ordonné le 28 juin 1896, quelques semaines après leur premier contact avant de partir en Chine le 2 août suivant.
On aimait beaucoup les prêtres chez les Martin. Louis et Zélie auraient aimé qu'un de leurs fils le devînt. Or, ils eurent le chagrin de pleurer la disparition précoce de leurs garçons, tous morts en très bas âge. Héritière de ce désir, Thérèse sent en elle celui d'être « prêtre, prédicateur et missionnaire ». C'est pourquoi elle est tout heureuse lorsqu'en 1895, au sortir du lavoir, les mains pleines de mousse, elle écoute Mère Agnès confier à sa diligence spirituelle un séminariste du diocèse « qui, se souvient-elle dans son dernier Manuscrit, venait demander une sœur qui se dévouât spécialement au salut de son âme et l'aidât de ses prières et sacrifices lorsqu'il serait missionnaire, afin qu'il puisse sauver beaucoup d'âmes ». En retour, le séminariste en question, en l'occurrence Maurice Bellière, « promettait d'avoir toujours un souvenir pour celle qui deviendrait sa sœur, lorsqu'il pourrait offrir le Saint Sacrifice ». Un deal qui enchante Thérèse. Ces lettres de Thérèse constituent un chapitre à part entière dans l'ensemble de ses écrits. « L'importance de cette correspondance, fait remarquer Mgr Guy Gaucher, ne se mesure pas à sa quantité, mais à la densité humaine et à sa profondeur spirituelle ». À cette époque, Thérèse a atteint une maturité intérieure exceptionnelle. Son expérience de maîtresse des novices lui permet d'apporter à ces deux frères spirituels des conseils justes et précis. On remarque à la lecture de cette correspondance que Thérèse n'écrit pas la même chose à l'un et à l'autre. Elle fait preuve d'un discernement étonnant, se montrant plus mère avec le jeune abbé Bellière, homme instable, hésitant, orphelin et abandonné par son père, et plus sœur avec l'abbé Roulland, sur le point de partir au loin et fin prêt pour la mission.
Sainte Thérèse, malade, se montre d'une totale discrétion sur ses souffrances. Elle n'évoque nulle part les affres de son épreuve contre la foi et l'espérance. En revanche, elle distille sa « petite doctrine » à l'un et à l'autre. Elle leur demande de prier pour elle, spécialement durant la Messe et, en retour, se voit comme un « petit Moïse » priant sur la montagne du Carmel, tandis qu'ils évangélisent dans la plaine.
Si tous les prêtres ne partent pas en pays de mission lointains comme le firent les Pères Bellière et Roulland, en revanche tous sont envoyés dans une société à évangéliser, bien souvent à partir de la case départ. Voilà pourquoi les prêtres et les séminaristes, en cette année du sacerdoce, trouveraient un grand profit à lire les lettres de sainte Thérèse à ses « frères spirituels ». Le tout dans un style littéraire de grande classe qui n'a rien de comparable avec les mails sans accents écrits à la va vite, ni avec les texto phonétiques d'aujourd'hui. Ces lettres nous mettent à l'écoute d'une sainte Thérèse dont la mission céleste demeurera toujours d'apprendre aux prêtres à aimer Jésus et à le faire aimer autour d'eux.