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Le slogan du diocèse de Nancy pour le denier de l'Eglise : provocation et vulgarité

Publié le 19 mars 2010 par Hermas

Certains esprits chagrins s'imagineront que, décidément, nous faisons une fixation sur le diocèse de Nancy, mais il nous plairait à nous-mêmes - ô combien - de ne pas avoir occasion d'en donner l'impression.

Le diocèse de Nancy, en effet, sur son propre SITE internet, fait une promotion de ce qui est désormais appelé le "denier de l'Eglise", et qu'en d'autres temps on appelait le "denier du culte". Jusque-là, rien que de très normal, rien que de très sain. "Les dons - peut-on lire sur le site, cette fois, de la Conférence des Evêques de France - constituent l'unique source de revenus de l'Eglise puisqu'elle ne reçoit aucune subvention de l'Etat [ni du Vatican, contrairement à l'idée reçue]. Donner à l'Eglise, c'est donc soutenir sa présence et son rôle dans la société et lui donner les moyens d'accomplir sa mission". Le "denier de l'Eglise", en particulier, "est une libre participation annuelle des catholiques d'un diocèse et chacun donne selon ses possibilités (...) pour assurer la vie matérielle des prêtres et la rémunération des laïcs salariés en mission dans l'Église".

Ce qui est moins sain, et moins normal, on en conviendra, est le slogan et l'affiche utilisés pour accrocher le chaland. Qu'on en juge par la reproduction de l'affiche qui sert officiellement - nous y insistons - de support visuel à cette campagne du denier de l'Eglise :

denier2010

La bêtise et la vulgarité du message n'échapperont à personne, où copinent le jeu de mot débilo-sacrilège et l'invocation du diable - avec la légèreté de qui n'y croit pas. Non, non, on ne rêve pas, ce message n'est pas tiré de Charlie-Hebdo, mais bien du site du diocèse de Nancy.

Celui-ci [qui, au fait ?] assume pleinement la belle idée, avec de fausses précautions de langage qui fleurent bon les années soixante, quand des curés "éclairés" prêchant à leurs ouailles, leur lançaient, avant de démollir quelque chose de leur foi : "Je vais peut-être vous choquer, mais..."

"L’Église de France lance la campagne annuelle du denier. Marronnier oblige, nombre de médias, presse écrite comme télévision, s’en font l’écho. C’est dans ce contexte médiatisé que s’inscrit celle voulue par notre diocèse.

"« Voulue » car elle ne manquera pas de surprendre, susciter des commentaires, voire heurter. Ce n’est pas un « dérapage » ! Le message utilise le vocabulaire et le style de ceux que nous visons : non plus nos fidèles donateurs (leur confiance nous reste un atout), mais tous ceux parmi les jeunes foyers qui vivent aux marges de l’Église, partageant ses valeurs, de sensibilité catholique (57 % des français) mais ne franchissant qu’occasionnellement le seuil des églises : pour demander un service d’Église."

Et sur un document d'AFP, nous voici gratifiés de ces autres précisions, qui donnent toute leur dimension à la démarche :

"Nous nous sommes dits : situons-nous en rupture, non pas pour choquer, mais pour provoquer le débat, pour que les gens s'interrogent. Or, quel meilleur message que l'humour", demande la porte-parole du diocèse.

Si la proposition du visuel a semé le doute au diocèse, "l'un de nos laïcs, par ailleurs professeur de marketing dans l'école de commerce de Nancy, nous a convaincu de la pertinence de la démarche", raconte Françoise Penigaud.

"C'est le poids des mots : Jésus crise, il n'est pas content, il s'indigne", explique la porte-parole, qui reconnaît que "les gens en interne sont parfois choqués, mais en aucun cas on ne peut dire que nous somme blasphématoires".

Tout y est : le goût de provoquer, le mépris assumé des convictions froissées, le "jeunisme", l'infantilisme ["Jésus crise, il n'est pas content"], le collapsus de l'apostolat dans le marketing et jusqu'à cette indécrottable conviction que la vulgarité est séductrice et, en l'occurrence, profitable. A quelle personne censée fera-t-on croire que ceux qui "vivent aux marges de l'Eglise", et qui l'ont quittée souvent à cause de sa désubstantialisation cléricale, pourront se laisser berner par cette campagne qui les prend pour des imbéciles ? Et qu'en ont-il à faire, eux, que "Jésus pas être content" ?

Jusqu'à quand cet interminable bazar durera-t-il ? Nous n'avons que faire des "contextes médiatisés", des "coups de pub", des complexes ecclésiastiques devant le monde. Nous sommes baptisés, pas des "gens en interne", des fils de Dieu qu'il a rachetés au prix du Sang de son Fils, nous sommes tous appelés, selon les enseignements du Concile, à la sainteté. Nous n'avons que faire des orientations ecclésiales données par des professeurs... de marketing ! Nous avons besoin que l'on nous ouvre des chemins de lumière, pas de retrouver dans les églises et les cures les slogans et les tics de ce monde dégénéré dans l'économisme et qui pèse si lourdement sur nos épaules.

Voulez-vous que nous vous aidions, nous laïcs, de notre labeur quotidien ? Marchez donc devant, en prêtres, en saints, marchez dans la crainte de Dieu, rendez vous visibles et crédibles aux yeux de tous, sans vous cacher derrière cravates, jeans ou costumes, avancez dans la sanctification de son Nom, marchez en apôtres, marchez dans le renoncement et la prière, dans l'amour de la vérité et des âmes, dans le respect de l'Eucharistie, abandonnez ces postures adolescentes, ces mièvreries qui vous tiennent encore tellement à coeur, bref, grandissez, grandissez enfin, et la contagion de ce que vous serez gagnera le monde. Alors afflueront ceux qui vous paraissent aujourd'hui si loin !

Evidemment, ce discours va déplaire ! Mais c'est l'expression de notre propre droit, à nous, de nous "situer en rupture", non pour choquer, ni d'ailleurs pour provoquer de débat, mais pour vous rappeler à vos tâches, ce qui constitue un droit inaliénable des baptisés. Que l'on se représente une seconde - une seule petite seconde - ce que serait la réaction du Curé d'Ars s'il avait cette misérable publicité entre les mains. Est-ce  donc si difficile à imaginer ?


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