"Ma petite maman chérie, mon grande sœur adorée, mon petit papa aimé,
Le 25 septembre dernier, des policiers sont venus me chercher à mon école. Monsieur le Directeur a posé des questions mais ils lui ont menti parce qu’ils voulaient m’amener à tout prix.
Je ne comprends pas ce qui s’est passé ; je ne comprends pas pourquoi ces policiers m’en veulent. Je suis encore un enfant ; je n’ai fait de mal à personne. On aurait dit que j’étais coupable de quelque chose : vous vous imaginez, je suis sorti de l’école encadré par des policiers, devant tous mes copains et leurs parents ! Comme si j’étais un voleur ou comme si j’avais tué quelqu’un ! Je n’oublierai jamais cette journée.
Pourtant, la France, pour nous, c’était l’espoir d’une vie meilleure, Montauban, c’était notre ville, l’école Ferdinand Buisson, c’était notre école. On ne voulait déranger personne ; on voulait seulement vivre, au milieu de nos nouveaux amis.
Maintenant, on nous a mis dans une prison qu’ils appellent Centre de rétention. Nous sommes à Cornebarieu, à côté de Toulouse, vous savez, cette ville qui a accueilli tant de républicains espagnols qui, eux aussi, voulaient vivre une vie meilleure, loin de la dictature. Monsieur le Maire de Toulouse est un ami des républicains espagnols ; peut-être qu’il va nous aider.
Mes amis, mes copains, mes professeurs, monsieur le directeur de l’école Ferdinand Buisson, je vais partir. Ils veulent que je parte. Il paraît que je suis un danger pour votre pays et pour votre tranquillité.
Maman chérie, grande sœur, petit papa, je cherche et ne trouve pas les raisons pour lesquelles ces policiers sont venus me chercher, je cherche et ne trouve pas pourquoi le Président de la France veut se souvenir du22 octobre 1941 et pourquoi il ne veut pas regarder ce qui s’est passé le 25 septembre 2007.
A quoi ça sert de se souvenir ?
Ce que je vous demande à vous trois, c’est d’être courageux : on va peut-être se retrouver au Montenegro, on va peut-être se retrouver en Albanie, loin de Montauban et loin de la France, mais il faut rester courageux. Il faut garder l’espoir.
En France, il y a encore des gens qui pensent à nous, qui vont tout faire pour nous aider. Mes copains ne m’ont pas oublié, j’en suis sûr, mon maître et mon directeur non plus.
Je suis encore petit mais je sais qu’on doit encore parler de nous pour que mon histoire n’arrive pas à d’autres enfants, que d’autres policiers français ne viennent pas les chercher dans leur école, devant leurs camarades et leurs parents.Maman , Papa, Marseda, vous savez, il paraît que Ferdinand Buisson est le fondateur de la Ligue des Droits de l’Homme. Moi j’aimerai bien que le Président de la France il m’explique ce que c’est, les Droits de l’Homme, et quel jour il va décider de parler à tous les écoliers de France de Ferdinand Buisson. Parce que moi, je ne comprends plus ce que ça veut dire, Droits de l’Homme.
Je n’ai que sept ans mais je vous promets de vous aider de toutes mes forces. Ces forces, c’est tous les gens qui pensent encore à nous qui me les donnent.
Votre Armen qui vous aime »