Les Vanupieds (34)

Publié le 22 mars 2010 par Plume
Les Vanupieds (1) :          Les Vanupieds (2) :            Les Vanupieds (3) :   
Les Vanupieds (4) : 
         Les Vanupieds (5) :            Les Vanupieds (6) : 
Les Vanupieds (7) : là         Les vanupieds (8) :             Les Vanupieds (9) : 
Les Vanupieds (10) :        Les Vanupieds (11) :
          Les Vanupieds (12) : 
Les Vanupieds (13) :        Les Vanupieds (14) :   Les Vanupieds (15) : 
Les Vanupieds (16) :   Les Vanupieds (17) :          Les Vanupieds (18) : 
Les Vanupieds (19) :   Les Vanupieds (20) :          Les Vanupieds (21) : 
Les Vanupieds (22) :        Les Vanupieds (23) : là         Les Vanupieds (24) : 
Les Vanupieds (25) :        Les Vanupieds (26) :          Les Vanupieds (27) : 
Les Vanupieds (28) : 
   Les Vanupieds (29) :    Les Vanupieds (30) : 
Les Vanupieds (31) :        Les Vanupieds (32) :    Les Vanupieds (33) : là

Un soir, Adam surprit cette dernière ainsi, assise sur les marches délabrées de leur refuge en ruine, le menton posé sur ses genoux pliés, perdant ses yeux tristes vers l’artère illuminée pour la nuit.

« Alissa ? »

Elle tressaillit mais ne se tourna pas vers lui. Adam s’assit près d’elle.

« Qu’est ce que tu fais là ?

-  Je voudrais être un oiseau ! Murmura-t-elle. Pour pouvoir voler librement au dessus des toits et me poser là où j’ai envie, sans contraintes ni personne pour me dire ce que je dois faire.

-  Oh ! Alissa ! Soupira Adam, navré. Je croyais que tu n’y pensais plus, moi !

-   J’ai envie de me promener, Adam, expliqua Alissa en haussant les épaules, c’est comme ça. France n’arrive pas à comprendre que j’ai besoin d’air ! Je la veille depuis des jours et des jours ! Je n’en peux plus. France ne comprend pas.

-  Tu te trompes, Alissa. France comprend très bien ! Et c’est bien pour cela qu’elle a parlé de partir au plus vite ! »

Alissa baissa la tête, au bord des larmes.

« Qu’est ce que je lui ai fait, Adam ? Demanda-t-elle d’une voix qui tremblait. Pourquoi France est si dure avec moi ? »

Le soleil couchant envoyait toutes ses couleurs orangées flamboyer dans ses boucles blondes. Adam était émerveillé par la splendeur déroutante qui s’en dégageait.

« J’en arrive même parfois à me dire qu’elle me déteste…

-   Ce n’est pas vrai, Alissa ! Protesta son frère, outré. Tu ne dois pas parler comme ça. France ne te déteste pas ! »

Alissa eut un geste de découragement :

« Toi sans aucun doute mais moi… ? Adam, j’ai l’impression d’être une moins que rien à ses yeux ! Elle n’a pas confiance en moi. Pourquoi ? Oui, je sais que je n’ai pas toujours bien agi depuis que nous sommes partis mais je l’ai tellement regretté ! Et… et je croyais qu’elle avait oublié. Mais elle n’oublie rien. C’est terrible. J’ai… j’ai peur d’elle… »

Adam rejoignit ses genoux sous son menton, à l’instar de sa petite sœur, et se balança lentement, l’air rêveur. Un long silence s’installa entre eux, à peine rompu par les aboiements coléreux d’un chien errant… Enfin, il parla, doucement :

« Tu te rappelles, Alissa, de ce jour où France t’a surprise avec un morceau de pain d’Abby ? Tu te rappelles ce qu’elle a dit ? »

Il la contempla avec beaucoup de sérieux alors qu’Alissa haussait les sourcils, étonnée mais attentive.

« Pour elle, Abby était la plus petite, la plus fragile, donc c’est d’elle dont elle devait prendre le plus soin et le plus protéger. Si elle l’a laissée à la duchesse, c’est parce qu’elle a compris que notre petite sœur pouvait mourir sur les routes. Et que la seule chose qui comptait alors, c’est qu’elle survive, même si cela devait se faire loin de nous. »

Alissa hocha la tête, émue. Les yeux d’Adam brillaient intensément dans le couchant.

« Maintenant Abby n’est plus avec nous mais France, elle, a gardé en elle ce devoir de protection qu’elle s’est donnée. Elle reste l’aînée qui se doit de protéger et prendre soin du plus fragile. Et qui d’entre nous deux, Alissa, est pour France la plus jeune et la plus fragile ? »

Le cœur d’Alissa battit d’espoir :

« Moi ? 

-  Oui, toi, Alissa ! Si France se montre parfois dure et sévère avec toi, c’est parce qu’elle veut te protéger, à la fois contre le monde et cette impulsivité qui t’habite. Si elle ne veut pas que tu partes te promener dans cette ville, c’est parce qu’elle en connait les dangers et qu’elle ne veut pas que tu les coures.

-  Tu… »

Alissa tressaillait d’incrédulité et de joie tout à la fois :

« Tu penses vraiment ce que tu dis, Adam ? »

Il eut un large sourire :

« Mais bien sûr, Alissa ! Il ne faut pas douter de France, elle ne pense réellement qu’à nous et à notre bien ! »

Alissa cacha brusquement son visage entre ses mains et secoua la tête, riant et pleurant.

« Oh ! Adam ! Mais pourquoi je ne pense jamais comme toi ! Tu es si sage, si bon ! Oh ! Dis, France nous aime alors, hein ? Même moi ? »

Touché par le bonheur de sa petite sœur, Adam l’enveloppa de ses bras et la serra très fort, les larmes aux yeux.

« Oui, elle nous aime même si elle ne sait pas le montrer autrement qu’en étant rude et intransigeante ! Elle nous aime autant que nous l’aimons, toi et moi, et que nous nous aimons. Et cela sera toujours ainsi, quoiqu’il arrive ! Il ne faut pas l’oublier, Alissa, jamais ! »

Bouleversée, Alissa ferma les paupières et le serra fort également, comme pour lui signifier que de cette réalité, elle en était plus que jamais convaincue, elle aussi.

Dans la maison en ruine, qui dessinait sa sombre et uniforme silhouette dans le couchant, France reposait, la tête appuyée contre les sacs de peau, une main abandonnée sur son ventre et l’autre retournée sur le dos tout près de son visage paisiblement endormi. Elle ne savait pas et ne saurait sans doute jamais combien son frère lisait clairement en elle, bien au-delà de cette froideur excessive qui la caractérisait au quotidien. Et combien surtout il devinait qu’elle avait été et qu’elle serait probablement toujours, le cachant bien tout au fond de son cœur, une enfant brave et dévouée, vibrante de sincérité et de droiture.