Posté le | 22 mars 2010 | Pas de Commentaire
La poche
Lorsque j’étais étudiant, j’avais toujours peur de passer pour un boulet. Sentiment renforcé par l’idée que je puisse poser une question conne à un moment donné.
Maintenant que je suis diplômé, j’encadre ceux qui ont peur de poser des questions qui pourraient les rendre débiles. On inverse les rôles.
Il y a ceux qui sont quand même curieux de tout.
Ceux qui réfléchissent tellement avant de soulever un problème qu’on ne se souvient même plus comment la situation a commencé.
Il y a ceux qu’on n’entend pas et qu’on remarque à peine, toujours a frôler les murs.
Je me fais un point d’honneur à me rapprocher des personnes du troisième type. Ils sont bien souvent intéressants mais, timidité oblige, restent en retrait. Je fais donc l’effort d’aller vers eux, de les prendre avec moi et je les intègre dès les premiers jours au sein même de l’équipe et des soins. Pendant ce temps, ceux de 2 premières catégories se pavanent et recherchent encore à élargir leur cercle d’amis. C’est important d’être bien vu. La qualité du stage peut en dépendre. La note finale aussi. Je le sais, je l’ai moi-même pratiqué.
Pourtant, lorsque j’ai demandé à ce troisième année tout timide s’il se sentait de poser une sonde urinaire à un homme, il m’avait répondu illico « Ouais t’inquiétes pas, ça je sais le faire! »
Est-ce que j’avais l’air de m’inquiéter? Franchement… ça m’étonnerait. Et d’ailleurs je m’inquiétais tellement peu que j’allais le suivre pour voir sa façon de procéder. Heureusement!
La sonde urinaire a la particularité de posséder un double emballage. D’abord, celui qui n’est pas stérile, l’emballage principal. Ensuite celui qui est stérile, l’emballage secondaire. Mon étudiant a alors enlevé l’emballage principal puis s’est installé, exactement comme il le fallait pour faire le soin seul, en totale autonomie. Car n’oublions pas que c’est souvent un soin fait à 2 mais qu’il vaut quand même mieux savoir le faire seul.
Au moment d’introduire la sonde. Je suis surpris et je stoppe l’élève:
- Tu es sûr de toi là?
- Euh…. oui… pourquoi?
- Tu as appris à sonder où?
- A l’école, en TP….
- Tu ne veux pas me poser une question, là, avant de continuer?
- …
- Allez, lâches tout et recules. La prochaine fois que tu voudra sonder quelqu’un, tu pensera à enlever la sonde du double emballage…
Moment de silence. Après enquête de ma part, l’école leur apprenait à sonder sans déballer les sondes urinaires pour réutiliser le matériel et ne pas le dégrader donc sans enlever le deuxième emballage. Du coup, il avait même enduit ce dernier de lubrifiant, sans se poser de question et s’apprêtait à introduire le tout dans l’urètre du patient…
Attention, je ne veux pas jeter la pierre à l’élève. Il a fait ce qu’on lui a dit et comme on le lui a dit à l’école. Malheureusement, ce n’est pas la même chose en vrai. Il y a un décalage entre la théorie et la pratique. Poser des questions et manipuler le matériel, c’est essentiel. Il n’y a pas de questions bêtes.