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Chaleurs funestes - 20/28

Publié le 04 octobre 2009 par Cathgenin

Ce matin du 13 juillet, Inès se leva très tôt. La chaleur, l’excès d’alcool et l’inquiétude occasionnée par l’attitude de certains de ses amis avaient eu raison d’un sommeil paisible.

Les jeunes filles avaient parfaitement rempli leur contrat, la cuisine était impeccable, nul n’aurait pu imaginer la valse d’assiettes, de plats, de bouteilles déplacée entre cette pièce et le pool-house les heures dernières !

Elle plongea un comprimé effervescent dans un peu d’eau, prépara du café et ouvrit à la Rouquine qui miaulait devant la porte. L’air était déjà chaud et les abeilles avaient repris le travail. Les pans inclinés pour Jeanne étaient recouverts de graines de vigne vierge, tapis vert, à défaut d’être rouge, pour accueillir celle qui avait à tout jamais terni, obscurci les images ensoleillées de la Nouvelle-Calédonie.

Elle vérifia que tout était installé sur son plateau, y rajouta son portable et ses cigarettes et se dirigea vers la piscine. Elle aimait prendre son petit déjeuner seule. Cela lui permettait de songer aux événements de la veille et à ceux de la journée à venir sans être dérangée.

Tous les lundis, le village organisait un Marché des Producteurs. Vitrine de la Corrèze et traditionnellement chaleureux, varié, coloré et convivial, il rassemblait les meilleurs produits locaux en direct de la ferme ou de l’atelier de l’artisan. On y faisait ses courses et s’en régalait autour de grandes tablées festives.

Inès décida d’y amener ses amis.

Elle alluma sa première cigarette assise sur le canapé offert par ses amis. Elle le trouva encore plus beau et confortable que la veille, s’étira, tourna la tête vers le pool-house et à travers la baie vitrée aperçut Paul le Magnifique endormi sur un fauteuil, la caméra de Virginie sur les genoux.

Avait-il visionné le film ? Elle n’osait l’imaginer ! Comment Virginie avait-elle pu avoir l’imprudence de laisser traîner l’objet du délit dans le pool-house ?

Elle se leva du sofa, comme si le simple fait de bouger allait l’aider à réfléchir à la résolution d’un cas inextricable ! Une fois encore, elle n’était que spectatrice, elle n’avait pas la situation en mains, la vie précipitait son lot de péripéties, elle n’avait pas le pouvoir de les contrôler, de les modifier.

« C’est dans la boîte » aurait dit Claude Sautet, « Coupez », aurait-il repris si le plan ne lui avait pas plu ! Dans l’immédiat, Inès espérait que les Choses de la vie n’auraient pas d’incidence sur des mariages déjà bien fragilisés par les infidélités de leurs protagonistes.

Tandis qu’elle ouvrait le rideau en PVC blanc, elle se demanda si elle serait restée fidèle à Antoine s’il avait vécu. Se serait-elle vengée, aurait-elle pris un amant si elle avait découvert la trahison calédonienne ? Et lui, aurait-il eu d’autres aventures, l’aurait-il quitté pour Jeanne ?

Il y a dans la fidélité de la paresse, de la peur, du calcul, du pacifisme, de la fatigue … et quelquefois de la fidélité !

Inès fit le tour de la piscine et de la table autour de laquelle elle avait soufflé ses quarante bougies. Elle ramassa des serviettes en papier, des verres et des bouteilles posés à même le sol, des paréos oubliés, des draps de bain en boule et vit débouler Virginie affublée de son incomparable « Hello Kitty ».

-   Salut, dit-elle la voix empreinte d’angoisse. Je crois avoir oublié mon caméscope dans le pool-house.

-   Oui, il y est répondit Inès en embrassant son amie.

-   Ouf, personne n’est encore levé ! remarqua Virginie en se dirigeant vers la baie vitrée.

-   Chut, Paul dort… la caméra sur les genoux !

-   Ce n’est pas vrai, non ce n’est pas vrai ! Comment ai-je pu être aussi stupide ! Tu crois qu’il a vu ?

-   A moins de s’en être servi comme doudou … plaisanta Inès.

-   Toi et ton humour à deux balles ! Mais qu’est-ce que je vais lui dire moi ?

-   Ce n’est tout de même pas à toi de te justifier !

-   J’ai quand même filmé … un peu plus et c’était du X !

-   Au moins, c’est sans équivoque, Sophie ne pourra pas nier ! Elle n’aura pas à se casser la tête pour inventer je ne sais quoi !

-   Et Jeanne ? Non, mais te rends-tu compte quand Jeanne va savoir ?

-   Permets-moi de ne pas plaindre Jeanne murmura Inès en allumant une nouvelle cigarette, mais à présent je comprends mieux ce que je trouvais changé chez Michel.

-   Qu’y a-t-il de changé ? demanda Virginie.

-   Il se tient plus droit, semble plus épanoui, a perdu son air de chien battu. Il faudrait être aveugle pour ne pas s’en apercevoir !

-   C’est vrai. Quand je pense que pas plus tard qu’hier, Paul avait pitié de lui et se réjouissait des séminaires qui l’éloignaient de son domicile !

-   Les voyages de Sophie, les séminaires de Michel, tu crois que … ?

Le bruit feutré de la porte coulissante de la baie vitrée interrompit la conversation des deux amies et Paul apparut détendu et souriant, chemise et pantalon impeccables malgré la nuit passée dans le fauteuil.

Il tenait le caméscope à la main et le tendit à Virginie sans faire de commentaire.

-   Tu as dormi ici ? se risqua Inès.

-   Bonjour Mesdames, oui je crois avoir un peu abusé de la vieille prune ! Un café sera le bien venu !

-   Jusqu’où va l’élégance ! déclara Inès en regardant Paul s’éloigner en direction de la cuisine.

-   Quelle classe ! enchaîna Virginie.

-   Tout le monde ne peut pas en dire autant s’exclama Inès en riant, regarde-nous !

Bras ballants, l’air ahuri, au beau milieu des reliques de la fête de la veille, le tableau qu’offraient les deux femmes était pour le moins cocasse, burlesque, mais s’inscrivait néanmoins dans cette situation on ne peut plus vaudevillesque !

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