L'autre samedi, j'ai été invitée chez Delvaux, le fabriquant belge de sacs de luxe. Ah ben si, de luxe, passque le sac que j'ai repéré, même que je l'aimeuh d'amoureuh, un superbe sac noir bien vaste dans lequel mettre un tas de brol (son nom, c'est Covent Garden, choli non ? je l'aime en noir, je le précise des fois qu'un mécène passerait par ici, et je mets une photo, pour pas que le mécène se trompe), bref ce sac, il est à 1.450 eur. Naaaaaaaaaaaaaaaan, je n'ai pas mis un zéro de trop. C'est bien son prix.
Qui, en 2010, peut s'offrir un sac à 1.450 eur ?
Pas grand monde...
Et pourtant beaucoup de monde...
Bref, j'ai été invitée chez Delvaux, afin de fabriquer « mon petit objet en cuir Delvaux ».
Et là, vos petits yeux pernicieux et vicieux se disent (oui, ça parle, des yeux) « si elle a été invitée, c'est qu'elle est une super bonne cliente de la mort qui tue la vie ».
Et bien la réponse... tadaaaaaaaaaam... est non.
J'ai rien de chez Delvaux. Enfin si, deux petits porte-clés reçus la fois où Ciné-Revue fêtait ses je ne sais combien d'années et que j'avais gagné une invitation pour un film, avec champagne, petits fours et porte-clés Delvaux, avec le logo Ciné Revue derrière, ce qui enlève tout le côté « ça en jette » de la chose.
Donc j'ai rien de chez Delvaux.
Mais j'ai une amie super hypra hyper énormissimement bonne cliente de chez Delvaux. Et, pour répondre à vos yeux pernicieux et vicieux, c'est pas pour ça qu'elle est mon amie, non mais.
Et donc elle a été invitée chez Delvaux pour fabriquer son « petit objet en cuir ». Et vu que je suis la seule à encore oser l'accompagner dans ce magasin très, dirons-nous, particulier, elle m'a proposé de fabriquer moi aussi mon « petit objet en cuir ».
Bien sûr, ça m'a bottée, mieux encore que mes nombreuses paires de bottes Pataugas, vous pensez : avoir, enfin, un objet Delvaux. Gratuit. Et made by Bibi. Que du bonheur. Bonheur dont j'ai demandé confirmation trois fois, histoire de ne pas être jetée à la rue comme une SSD (la SDF de chez Delvaux : SSD comme Sans Sac Delvaux) lorsque je franchirais les portes bien gardée du magasin, en compagnie de mon laissez-passer. Apparemment, la règle du magasin est « la (super bonne) cliente est reine, ne lui refusez rien ». Donc, j'ai pu accompagner.
Et j'ai accompagné.
Il faut le reconnaître, l'accueil est hyper gentil. Genre cirage de pompes. Voire frotte-balle. Voire encore lèche-cul. Surtout pour les clientes, dont je ne fais pas partie, et ça, tout le monde le sait. Ça se voit, comme si les clientes se repéraient entre elles. Facile, elles sont toutes venues avec leur sac Delvaux. Moi j'ai mon sac argenté reçu gratos via ce blog (merci mon blog, je t'aime mon blog), dont valeur, tout de même 140 eur, ce qui me semble déjà vachement cher. Il est en cuir. Argenté. Mais pas Delvaux. Shame on me.
Donc, l'accueil est agréable, assorti de café et jus de fruits, puis nous nous mettons au travail. On n'est pas ici pour s'amuser, non mais. L'artisan nous propose de choisir parmi divers coloris de pièces de cuir, afin de réaliser une petite pochette, de nos blanches et agiles petites menottes. Je me rue sur le noir. Noir qui s'avère être un bleu marine. Argh, je m'en veux, j'aurais pas dû prendre cette couleur, même si avec le fil turquoise, ce pourrait être joli. Je profite cependant de l'arrivée tardive d'une mère et de sa fille pour procéder à un échange discret du bleu marine contre le vert anis, qui ira supeeeeeeeeeeer bien avec le fil mauve, enfin violet qu'on dit Anaïs. Echange réussi.
Autour de la table, à part l'artisan, que des femmes. L'ambiance est sympa, je dois dire, même si on sent que le milieu n'est pas identique au mien. Ça se sent, c'est inexplicable, c'est ainsi. Je me sens un peu du quart monde, si vous voyez le topo.
L'activité commence. Elle consiste tout d'abord à enduire les bords de notre pièce de cuir d'un genre de vernis, très liquide. Coloris au choix. Et là encore, les coloris ne sont pas comme ailleurs. Pas de rouge, bleu marine, turquoise et mauve, mais des noms à coucher dehors, que j'ai d'ailleurs oubliés, mais genre carmin estival pour le rouge, nuit sans étoile pour le bleu marine (ce qui fait que je l'ai pris pour du noir, vous pigez mieux maintenant), violette sauvage pour le mauve... et pour le turquoise, je crois m'étrangler avec mon jus de pomme : bitch. Vous lisez bien, « bitch », ce terme anglais signifiant « fille de joie », en langage Delvaux, et « pute » en langage Anaïssien. Bitch ! Une autre invitée a la même pensée que moi, je le vois, je croise son regard. Puis nous comprenons. Pas bitch, beach. Beach comme plage, sable, coquillage et mer turquoise. CQFD. Leçon pour Delvaux : apprendre à ses artisans à prononcer beach « biiiiitch » et pas « bitch », c'est plus sûr.
Je choisis donc le mauve (violette sauvage) et j'enduis consciencieusement ma pièce de cuir vert anis (enfin, le nom doit être différent, mais je n'ai pas retiendu, mes escuuuus). Nous enduisons consciencieusement. Y'a des rapides et des moins rapides. Je fais partie des moins rapides, passque je suis perfectionniste. Et passque je perds deux plombes sur une bavure de mauve que j'ai faite, sur le rabat de ma pochette, titchu.
Après séchage, l'atelier couture commence. Avec du fil, mauve toujours, nous confectionnons notre pochette, la fermons, la relions. Elle est jolie, il faut le reconnaître, cette petite pochette. Et puis ce sera une pièce unique. Et, durant le travail, notre maître artisan nous explique les petits secrets de fabrication, et c'est captivant. On sent qu'il est passionné. Et ça passionne d'autant plus.
Une fois la couture terminée, la finition revient à notre spécialiste, qui clipse les fermoirs. Des fermoirs estampillés Delvaux, excusez du peu.
Ensuite, remise des certificats d'authenticité. « Fabriqué par Anaïs, contrôlé par... ». Excusez du peu. Keske je me la pète grave de chez grave.
J'ai fabriqué ma pochette Delvaux à moi rien qu'à moi toute à moi. Avec le recul, j'aurais dû prendre le cuir bleu marine, avec le turquoise. Et pas le vert, trop salissant. Tant pis.
Merci Delvaux. Enfin surtout merci à mon amie super bonne cliente qui a eu la super bonne idée de m'inviter à cet atelier. C'était que du bonheur. Bon, cette ambiance cirage de pompes, ce n'est pas mon truc, surtout que mes pompes à moi, on les cire pas de la même façon, je ne suis pas cliente, et ça se sent. Bien sûr, j'ai droit aux sourires, bien sûr, les vendeuses sont adorables, mais moi, on ne me fait pas du « Méééédéééééme Anaïs » à chaque phrase. Car moi, je ne claquerai pas mon fric sur place, et ça, ça se sait, ça se sent.
Quoique... ce sac à 1.450 eur... c'est normal que j'en rêve chaque nuit depuis lors ?