C’était un samedi matin de début de janvier. Il faisait froid. L’horizon lointain paraissait d’une couleur d’argent tellement il y avait des nuages. Le soleil traversait par des faibles rayons ce ciel grisâtre.
Sous ce poudroiement de rayons, chatouillée par les souffles d’un vent glacial, Ghada était sortie au balcon ramasser la lingerie propre qu’elle ait lavée le jour précédent. Elle s’arrêtait un moment, leva la main pour passer le bonjour à la voisine de l’appartement juste en face de l’autre immeuble. Puis du coin de l’œil, observait son époux encore endormi, comme un bébé dans le lit. Une fois la lessive entassée sur son bras gauche, elle pénétra sa chambre et laissa la porte fenêtre semi entrouverte.
- Ferme la porte ! murmura Nader, sans lever la tête en s’engouffrant sous la couette.
Elle sourit et dit en posant la lingerie sur le bord du lit.
- Allez, paresseux, lève toi, il est presque 9H !
En hochant sa tête, les sourcils froncés.
- Tu vas la fermer ou pas ?
- Ok ! ok ! dit-elle calmement.
Elle se dirigea après vers la porte et rajouta.
- Je te prépare un café avec moi ou pas ?
- Si tu veux, oui ! dit-il en serrant l’oreiller sous ses bras.
Elle ferma la porte puis sortit vers la cuisine. Dès qu’elle commençait à préparer le café, son Gsm se mettait à vibrer. Un grand sourire gagna sa frimousse lorsqu’elle voyait le numéro de Béhéeddine apparaître.
À pas de chat elle allait fermer la porte de la cuisine, puis bipa l’avocat. Quelques secondes après, il l’appela.
- Bonjour ma princesse !
- Bonjour mon chou ! puis en baissant encore la voix, t’as bien dormi ?
- Oui, et d’un ton doux, j’ai rêvé de toi !
- Non, ce n’est pas vrai.
Il ria doucement et continua.
- Mais si !
Un joli sourire illumina son visage angélique puis se demanda de sa voix capricieuse.
- Quel genre de rêve ?
Il ria longtemps sans répondre, alors elle reprenait.
- Pourquoi tu ris ? et en le grognant gentiment, ne me dis pas un rêve érotique, méchant !
Sans s’arrêter de rire, il répondit.
- Pas tout à fait !
Elle entendit par la suite, du bruit de pas, alors elle s’écria.
- Je te rappelle plus tard !
- C’est encore ta mère ?
Les battements de cœur accélérés de frustration, elle poursuivait.
- Ouais, elle m’appelle !
Elle raccrocha juste à temps. Nader, la regarda un long moment, il remarqua qu’elle ne semblait pas à l’aise, puis s’approcha d’elle, le regard fixé sur le Gsm.
- Cava ma puce ?
Perturbée et la voix oscillante de peur.
- Oui, oui cava !
Il contempla minutieusement son visage pâle et poursuivait inquiet.
- Non t’as pas l’air ! et en caressant son visage d’un air bienveillant, est ce que tu me caches quelque chose ?
- Non, rien ! dit-elle en se débarrassant de sa main tout en le devançant de deux pas.
Un moment encore, il examina cette face pâle, à la bouche tordue et aux grands yeux d’épouvante. Puis s’approcha d’elle et posa sa main sur son épaule et continua, sans quitter ses yeux.
- Qu’est ce qui se passe Ghada ? et les yeux vacillant de tracas. Je te sens assez distante, cette dernière période ?
Elle osa affronter son regard inquisiteur, et répondit calmement.
- Ce n’est pas ce que tu veux ?
Il se tut un moment et continua en ingurgitant sa salive.
- Je veux que tu sois naturelle !
En ouvrant le réfrigérateur cherchant du jus de pommes, elle poursuivait sur les nerfs.
- Je le suis ! et en tournant la tête, enfin, j’essaie de me comporter comme tu l’as toujours voulu, mature, réaliste, et jamais sentimentale ! et en fermant le réfrigérateur, le romantisme ne fait pas partie de nos coutumes, ce n’est pas toi qui me l’as dit, hein ?
En clignotant les yeux, il murmura.
- Je l’ai peut être dit dans un moment de colère…
Elle lui coupa la parole en saisissant un verre.
- Même si tu l’as dit dans un moment de colère, tu me l’as toujours montré par des gestes ou par ton silence qui me tue !
Entre Nader et Ghada, la gêne et la tension avaient grandi. Il suivait la colère accablante de son épouse, puis en essayant de la calmer.
- Je sais très bien que j’étais désagréable avec toi à certains moments mais…
- Mais quoi ? dit-elle en riant nerveusement, tu n’étais pas désagréable, tu étais toi-même, et je n’ai nullement l’attention de te faire changer.
Il la regarda un long moment puis en saisissant sa main.
- Comment pourrai-je me faire pardonner ?
Elle afficha un opiniâtre sourire tiraillé par des envies de larmes et s’essuya le nez du revers de la main en disant
- Tu veux vraiment te faire pardonner ?
- Absolument ! dit-il en caressant sa main.
Elle ingurgita sa salive et reprit en le regardant droit aux yeux.
- Je veux avoir un enfant !
Il relâcha la main de son épouse et en reculant d’un pas.
- Tu rigoles j’espère ?
Elle mit les mains autour de sa taille et s’écria nerveusement.
- Ça fait, disons 5 mois qu’on est marié, et j’ai envie comme toute femme mariée d’avoir un bébé ? c’est mon droit pas vrai ?
- Mais c’est différent. Dit-il en baissant la voix.
Les yeux gonflés de larmes, elle reprit avec une certaine amertume dans la voix.
- Pourquoi c’est différent ? parce que je suis malade ?
Il s’approcha d’elle et dit essayant de la calmer.
- Tu sais très bien qu’une éventuelle grossesse présentera un risque pour ta santé !
- Je m’en fiche ! dit-elle en s’éloignant de lui, furieusement. Je n’ai pas peur de la mort ! je sais que je vais finir par mourir mais au moins je mourrai en laissant un souvenir de moi, un bout de chaire, qui te rappellera de moi !
- Ta santé est primordiale pour moi !
Les yeux rouges de colère, elle hurla.
- Et ben, avoir un bébé c’est tout ce qui compte pour moi !
Les poings serrés de colère, il recula d’un pas et dit en s’approchant de la porte.
- Écoute, je ne veux pas qu’on se dispute alors je ferai mieux de partir avant que ça dégénère.
Elle faisant un geste nerveux avec la main.
- Oui, vas-y !
Il lui jeta un dernier regard coléreux et quitta l’appartement en fermant la porte fortement derrière lui. Et sa colère s’intensifiait davantage, lorsqu’il s’arrêta devant sa boutique, encore fermée. Tremblant de fureur, il saisissait son cellulaire et appela Sabrine. Comme elle ne décrocha pas, il mit le Gsm dans son pantalon et s’écria comme parlant à lui-même.
- Cette salope ! elle va me le payer cher !
Tout de suite après, il quitta le centre et s’engouffra dans sa bagnole en direction de rue Algazela. Une fois devant l’appartement de son employée, il hésita un moment puis frappa à la porte.
Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit, et ses yeux rencontrèrent ceux de Ranime. Il essaya de dissiper sa colère par un faux sourire.
- Bonjour !
En ne laissant que sa tête devançant la porte, elle murmura.
- Bonjour !
- Est-ce que Sabrine est là ?
- Oui, elle se douche !
Il lança un souffle furieux et continua de sa voix calme.
- Dis lui que je l’attends à l’extérieur.
- Ben, entrez, ne restez pas là ! dit-elle gentiment.
Il échangea avec elle un doux regard et dit.
- Non merci ! puis en allumant une cigarette tout en reculant d’un pas pour lui épargner la mauvaise odeur de la nicotine. Alors comment ça va entre vous deux ?
- Nous deux ? s’écria Ranime en remuant ses sourcils.
- Je veux dire toi et Akram.
- Ah, pas mal ! dit-elle, en croisant les bras.
Les yeux mi-clos d’étonnement, il se demanda.
- Pas mal, c’est à dire ?
- On est amis c’est tout.
- Amis ?
- Oui !
- Mais d’après ce qu’il m’a dit vous étiez en couple…
Elle entendit le claquement de la porte de la salle de bain, et répondit brièvement.
- Non on n’est pas un couple ! et en traçant un sourire, ben je vais lui dire, je crois qu’elle vient de sortir.
- Ok ! murmura-t-il en essayant de cacher sa joie.
Un petit quart d’heure plus tard, Sabrine poussa la porte de l’appartement. Elle avait les cheveux encore mouillés. Il l’injecta d’un regard sacripant et s’écria.
- Tu veux te faire virer ?
En essuyant ses cheveux avec une serviette.
- Pourquoi me faire virer ?
- Il est presque 10h30 ! t’aurai dû ouvrir la boutique une heure avant. Et en riant furibond, et toi, tu prends ton temps et tu te douche en plus ?
En dessinant un sourire mystérieux.
- Je fais ce que je veux.
Il éclata d’un rire qui sonnait faux, et reprit.
- Ok, c’est bon alors, t’es virée !
Et fit demi-tour. Dès qu’il mit le pied sur la première marche de l’escalier elle s’écria froidement.
- Tu n’as pas intérêt de le faire!
Il s’arrêta sur place en tournant le cou.
- Est-ce que t’es sur le point de me menacer ?
Elle croisa les bras tout en traçant un minable sourire.
- Oui, tu peux dire ça ! puis en essuyant de nouveau ses cheveux, attends moi dans ta voiture, je vais m’habiller.
Il ne dit rien et descendit l’escalier. Une demi-heure plus tard, elle le rejoignait à l’intérieur de sa PASSAT. En fermant la porte doucement, elle disait en ricanant.
- Jolie bagnole, et si on fait un petit tour ?
Il la tint violemment par son bras et hurla.
- Tu te prends pour qui ?
Elle relâcha sa main nerveusement et s’écria sans quitter ses yeux.
- Pour celle qui pourra détruire ton mariage du jour au lendemain.
Il laissa un rire persiflant sauter de ses lèvres et continua.
- T’es vraiment conne.
Elle ne disait rien mais sortit son cellulaire et mettait la vidéo en marche tout en augmentant le son. Le visage tout pâle, il tenta d’arracher le cellulaire de sa main mais elle l’éloigna en riant.
- J’ai plusieurs copies de la vidéo !
Il bascula le visage, l’inondant d’un regard infini et terrorisé. Trempé jusqu’ ‘aux os d’angoisse, il murmura.
- Qu’est ce que tu veux ?
Elle s’allongea sur son siège tranquillement et en croisant les bras.
- Commençons par une augmentation de salaire de 300dinars.
Les doigts tapotant le volant nerveusement, il continua.
- Quoi d’autre?
Là, elle se taisait un long moment puis comme si elle arrivait à se faire libérer d’un lourd fardeau.
- Je veux que tu m’aides à faire adopter Amine !
Il la regarda du coin de l’œil et ria à haute voix.
- Il y a des associations pour adoption, sinon si tu connais personnellement une famille ayant envie de…
- Tu me prends pour une conne ? s’écria-t-elle furieusement, puis en laissant une lueur louche passer dans son regard, si c’était aussi simple que ça, tu ne penses pas que je me serai débrouillée tout seule ?
De nouveau il s’étonnait.
- Qu’est ce que tu me caches là ?
La peur s’empara de Sabrine. Elle regarda vers le ciel, se prit la tête entre les mains et dit d’une voix défaillante.
- Ce n’est pas mon fils !