Grand Ordinaire

Publié le 27 mars 2010 par Lephauste

... Et cependant qu'à la porte de Versailles les livres ont, pour un temps donné, remplacé les vaches qui elles-même souvent s'éfacent devant le vrombissement des derniers bolides propres, que talonnent les plaisanciers, eux-même étrillés par le salon du bien-être et de l'écologie réunis, je me suis moi retiré du monde connu, dans une profonde solitude d'où je bois ce qui passe à portée de désolation. Il est de bon thon de dire qu'on aime la mer : Tu aimes la mer ? Oh oui ! Mais l'amertume des déserts où ne coule que des vins faits de larmes, est-ce que tu l'aimes ? Oh non !

Non bien sûr, tu te prépares à être joli, les beaux jours reviennent, ils peinent mais ils reviennent. Alors foin des grincements de sable en grain dans les rouages de la mécanique à sourires engageant, fi des petits aléas de la parole donnée puis reprise puis donnée à nouveau, puis reprise comme la vieille carcasse automobile qu'on te rachète moyennant le fait que tu rachètes aussi sec une future vieille carcasse qu'on te rachètera moyennant le fait que jamais tu ne pourras t'arrêter pour réfléchir un peu : Tu aimes à réfléchir ? Oh non ! Je préfère de loin à ce que l'on me donne des ordres, à la condition bien sûr que l'on m'explique qu'il n'y a pas d'autres façons de faire se redresser le PIB. La Démocratie, c'est ça n'est-ce pas ? Un ordre immédiatement suivis de l'explication qui rassure. Sinon plus de liberté, et la liberté mes ouailles, c'est sacré!

Alors je bois, et des fleuves je prends les larmes, et des vignes je retire cette drogue mille fois coupée, profit oblige, afin d'écrire ceci. Car on est pas soi-même quand on est à jun, je ne vais jamais à Agen, j'ai pris trop de pruneaux, je fais un peu passoire, on m'évite en ville ... On renfrogne, on désole, on sourit, oui mais comme une boite de conserve raturée par Appert. alors que fin saoul, là tout parait plus net. Les fleuves coules enfin vers les estuaires, la femme de votre vie se taille pas avec l'icelle, la soupe aux vermicelles vous a un goût de madeleine, les fleurs vous sembles des promesses enfin tenues, de fruits à croquer sans contrats ni ruptures. On jubile pour rien, puisque rien ne vient, puisque rien est enfin dans son entier, ce rien duquel on tient sa généalogie. Et comme le chantait Vior : "Lorsque je serais mort j'veux un suaire de chez Dian!"

Ce grand ordinaire que je suis, vaniteux quoiqu'il y paresse, ce soir se contente de peu, de ce peu qui tient dans un verre à pied comme toute l'âme des filles souvent tient dans une escarpin, pas plus. Mon verre à pied contre une seconde de ce bonheur qui tient lui dans le léger déhanchement de l'âme des filles. C'est le salon du livre ? Tu parles, il suffit d'un salon pour contenir le si peu que contient un livre. Un petit salon où de petits marquis parlent de littérature à des vicomtesses légères à la plume, en faisant fi du fait que bien souvent ils ne sont que ratures, ratés et ratichons.

(ceci est dédié à madame Frédérique Martin, dont le blog calvalcade pas loin, et à Miette)