C’est ça vieillir

Publié le 28 mars 2010 par Kabotine
Ça doit être ça, vieillir : c’est quand on arrive à un âge où on commence à perdre nos parents. Vendredi, SMS de Marie : « juste un petit mot pour te prévenir pour du papa de Pierre ». Puis dans la minute, un second SMS « décès ».
Le papa de Pierre est décédé. Juste avant c’était la maman de Thomas, et l’an dernier le papa de Martin. Mes amis, à l’approche de la quarantaine, perdent leurs parents. C’est dans la logique des choses… mais, quand même, ça y est, l’âge « adulte », on y est vraiment. C’est dans la logique des choses, on le sais depuis qu’on à l’âge de comprendre la mort : les parents partent (quel horrible mot ! on devrait plutôt dire qu’ils restent, car pour le coup, morts et enterrés, ils ne partent plus nulle part !). Les parents meurent avant les enfants. À la limite, tant mieux pourrai-je dire. Car rien ne me semble plus monstrueux que la mort d’un enfant… L’enfant est notre suite logique, notre suite.
Le papa de Pierre est mort des suites de son cancer. Comme tout le monde aurais-je envie de dire. Le cancer ne tue pas, mais on meure toujours de ses suites. Tôt ou tard.
J’ai pris mon courage à deux mains, et le téléphone aussi. Et je l’ai appelé : « Je voulais te présenter nos condoléances… et te rappeler qu’on est toujours là si tu as besoin de quoi que ce soit… » Puis, le laisser parler, l’écouter raconter l’histoire qu’il a déjà tant et tant de fois répétée aux proches compatissants. Lui laisser la répéter pour réaliser. « J’aurai dû aller le voir à l’hôpital… je ne l’ai pas vu depuis Noël… ».J’essaye de lui expliquer que rien ne sert de garder le souvenir d’un père sur son lit d’hôpital, mieux vaut ne se souvenir que des merveilleux moments, oublier le reste, oublier le moche… se dire qu’il est parti en paix car il savait que son fils était heureux avec la famille qu’il avait construite, sa femme et son petit garçon… Pense à ton fils, Pierre…C’est la suite, il faut que tu sois là pour lui…. Mais je sais aussi pourquoi Pierre est effondré : il ne s’entendait pas avec son père, il y avait entre eux ce lourd silence d’incompréhension mutuelle, et pourtant, ils s’aimaient… sans pouvoir se le dire, se le montrer…
Combien sommes-nous, comme Pierre, à ne pouvoir dire à nos parents combien on les aime ? Un jour, tout est fini est c’est trop tard pour se dire quoi que ce soit.
Vis ton deuil dans la joie m’avait dit un jour un prêtre. Penser aux bons moments, aux bonheurs partagés, aux éclats de rire, aux élans d’amour et de tendresse. Rien ne sert de garder l’amertume et les regrets, seule la joie aide à l’aider l’aimé partir, tout en le gardant en soi. Se souvenir du beau, porter sa peine avec allégresse…
C’est peut être ça, vieillir : c’est laisser partir ses parents, tout en les gardant en soi avec la joie.
(Je vais passer un petit coup de fil aux miens et leur dire en passant que je les aime fort tous les deux… --ne pas avoir de regrets, tant pis pour les remords)