Je me suis octroyé 24 heures de vie au sens noble du terme. 24 heures dignes de ce nom, pour condenser une certaine idée du bonheur, en imprégner mon esprit, et célébrer la montée de sève du printemps. 24 heures pour m’échapper de mon devoir de retenue et de ces prétentieuses exigences de conformité. Bilan. D’un côté : moi (ailleurs…), beaucoup d’alcool, beaucoup d’argent, beaucoup de pétasses, beaucoup de bruit, un parasite, tout ce dont je ne retiendrai rien… A part l’odeur, que ma peau transpire encore. De l’autre côté : mes deux meilleurs amis (les F&F’s, comme les M&M’s, mais en moins « lisses »). Des moments éphémères mais intimes, complices, simples, et pas chers. Dont je garderai tout. Comment ça se prononce, « F&F’s » ? Ca ne se prononce pas, ça se savoure.
Seulement, j’avais débarqué ce week-end avec l’état d’esprit dans lequel j’ai quitté mon bureau. Excité, vindicatif, et froid. Je m’en suis aperçu en repartant. One shot. Trop tard.
Alors sur la route du retour j’ai serré les mâchoires, j’ai écrasé l’accélérateur. J’ai retiré ces putains de Ray Ban qui me donnent ce petit air suffisant de fils à papa, et j’ai regardé le bleu du ciel, débarrassé de ce voile d’égocentrisme. J’ai baissé les vitres, et j’ai mordu encore plus fort dans le vide. Parce que lorsqu’on n’a pas conscience de sa chance, quand on a juste l’impression de « ne pas être heureux », quand on ne sait pas la valeur de la vie… On devrait songer à remercier la Providence d’avoir écarté la méritocratie et la justice dans sa foireuse conception du monde. Celles sous la dictature desquelles mon prénom eut été inscrit en lettres capitales sur la blacklist des petits cons. Car vivre sans le savoir, c’est comme avoir été fini à la pisse. Et en gardant le sourire, s’il vous plaît.
Je voudrais pouvoir m’arracher à moi-même, savoir mieux saisir la singularité de trucs qui peuvent paraître futiles. Se comporter face à la vie comme je le fais parfois est une insulte aux gens combatifs, empathiques, tolérants, et à ceux qui savent faire preuve d’une abnégation dont l’ampleur n’a d’égale que la discrétion. Commencer à s’en rendre compte est un début de compliment que je leur adresse. Et j’espère qu’ils l’entendront. Parce qu’ils brillent, et parce que j’ai besoin de leur lumière. Parce que la finesse de leur esprit relègue de prétendus intellectuels au rang de mange-merdes. Parce qu’ils réhabilitent l’expérience, cette formidable rencontre du réel par l’irremplaçable vécu.
Toujours est-il qu’encore une fois, j’ai eu le sentiment de faire injure à ces gens. Qu’ils m’en pardonnent, c’est comme ça, je ne changerai pas. Je ne peux pas m’empêcher d’être vulgaire. J’apprendrai pas à écouter avant de parler. Je ne m’assume pas, non. Je me tolère, c’est déjà bien. C’est pas toujours facile de cohabiter avec moi-même. Et puis la vie sous les stroboscopes, c’est onéreux et superficiel ; mais j’en veux encore. Et je vais bien. Merci.
What challenges my pride attracts me. What attracts me makes me scared.