à la Galerie 5, jusqu’au 31 octobre 2009
Selon la presse, un «collectif» (groupe en langage AC(1)) s’est réuni dans une cuisine (laquelle ?) pour élaborer cette exposition. Un thème a été lancé (par qui ?) pour réunir tout ce beau monde de l’art contemporain, afin de justifier le regroupement : le langage. Je reste sans voix devant l’originalité, l’avant-gardisme de ce thème. Je me demande en effet si un seul artiste de l’histoire n’a pas, consciemment ou non, rattaché ses œuvres à la notion de langage.
Je lis dans la presse (2) : «leur point commun : avoir fait les Beaux-Arts à Angers entre 1970 et 2003». Donc, si on avait déniché un artiste génial, ayant su traiter ce thème passe-partout de manière inédite, on ne l’aurait pas accepté ou invité dans ce groupe, pardon, collectif, pour défaut d’études aux Beaux-Arts ? Terrible aveu de l’évolution en vase clos de ce milieu… On fabrique des artistes en les formatant Beaux-Arts, et ils sont ensuite « exposables » dans tous les lieux estampillés AC. Autrement, point de salut. Mais il est possible que je me trompe, ce passage aux Beaux-Arts n’est peut-être qu’une coïncidence…
(Il y a plusieurs années, j’ai sollicité et obtenu non sans mal un entretien avec l’adjoint au Maire chargé des affaires culturelles, à Angers, pour présenter un travail que j’aurais souhaité exposer au grand Théâtre. Refus (à peine) poli, et aveu décomplexé : pour prétendre à un tel honneur (on ne parle jamais du contenu du travail) il fallait soit être passé par les Beaux-Arts en tant qu’étudiant ou professeur, soit être présenté par une galerie qui travaillait déjà avec la ville. Dans mon cas, les trois malheureux mois passé aux Beaux-Arts d’Angers en 1979, avant de prendre la fuite devant l’idéologie enseignée, ne comptaient évidemment pas.)
Mais revenons à notre collectif. Dans quelle cuisine s’est-il retrouvé ? Je suppose que c’est dans celle de la nouvelle responsable de la programmation de la Galerie 5 (le lieu d’AC(1)de la bibliothèque universitaire), qui fut il y a quelques années propriétaire de la galerie Courant d’art, installée dans la belle campagne vallonnée de Saint Remy la Varenne. (Galerie fermée en 2007, sauf erreur). Si c’est le cas, Anne Auguste et Guy Camut n’auront pas eu de mal à trouver le chemin de la cuisine en question, puisqu’il font partie de la liste des artistes de l’ex-galerie (il reste une trace de cette initiative sur un site Internet inerte). Tony Baker souvent impliqué dans la vie musicale locale de Saint Remy la Varenne et des environs, a du, pour sa part, venir en voisin. Quoi de plus normal, d’ailleurs, que de prendre son carnet d’adresses pour inviter ses amis dans sa cuisine ? Il y a vraiment des gens qui voient le mal partout !
Je ne serais pas surpris de trouver dans la programmation de l’an prochain quelques autres noms figurant dans cette liste «privée». Mais je ne demande qu’à être étonné, ce serait bon signe !
Allez, j’avoue : l’exposition que je viens de présenter à la Grange Dîmière de Beaucouzé a été écarté par les hauts responsables culturels de la BU. Oui, j’avoue, je suis animé par le ressentiment, la colère, la déception. Oui, je suis un artiste raté qui ne parvient pas à montrer ses œuvres dans les lieux d’art publics officiels. Pardonnez-moi, Grands Dieux des Beaux Arts, la jalousie m’anime, c’est ma faute, ma très grande faute, je ne fais que de la pauvre peinture. A l’huile, en plus. Je n’ai que ce que je mérite.
Mais j’avoue aussi : je savais en envoyant un dossier à la BU(3) qu’il serait refusé. Pour preuve : je me suis engagé au même moment auprès de la municipalité de Beaucouzé pour occuper la grange Dîmière.
Ma demande était un acte expérimental, quasi-performance, geste artistique, sans aucun doute très contemporain, comme celui qui a consisté à adresser une demande de subvention (sur les conseils de la Maison des Artistes) pour agrandir mon atelier (cela fera peut-être l’objet d’un autre article). Par ces actions, j’espérais entendre de la bouche même des responsables , ou lire de leur plume, le pourquoi des refus et de là me conforter dans l’idée que la peinture n’est pas … ne peut plus… que c’est mal, quoi.
Enervé par le style autosatisfait et creux de la programmation et des articles du blog de la BU :
On y comprend vite que la galerie 5 fait maintenant partie intégrante de ce réseau officiel. A part Nini Geslin, qui mène depuis longtemps un travail de fond et de sens, tout le reste, pour ce que j’en sais aujourd’hui (mais attendons de voir, je ne connais pas les 2 photographes Suédois), me semble être une caricature de ce que l’on se doit de faire pour « investir » un lieu d’AC. Tout est une question de discours accompagnant l’œuvre, affaire de critique descriptive, la seule acceptée par le milieu.
Décryptage rapide de la présentation de la saison :
Expo de novembre (Engström et Petersen) : sans préjuger du contenu de l’exposition, on discerne nettement dans le dossier de presse les liens étroits entre région (commande et édition d’un ouvrage) et ville (expo montée en partenariat avec l’artothèque d’Angers, liée aux Beaux-Arts).
Expo de janvier : Nini Geslin. J’irai voir cette exposition avec curiosité et intérêt. Une question à laquelle je n’ai pas de réponse : cette artiste est-elle passée par les Beaux-Arts ?
Expo de mars (Jeremy Liron): se reporter à ce que j’en dis dans l’article discours du vernissage, à propos de le peinture à l’huile, médium «tombé en désuétude»… A noter dans texte de la plaquette : «la force des toiles ne peut pas laisser indifférent». C’est absolument interdit, vous n’avez pas le choix. A noter aussi que l’artiste est sorti des Beaux-Arts de Paris.
Expo d’avril : (Sammy Stein). L’artiste est forcément digne d’intérêt, puisqu’il est sur Facebook, qu’il se montre sur un blog, il est donc parfaitement de son époque. Et devinez quoi ? Il vient aussi des Beaux Arts de Paris !
Maintenant, allons voir l’exposition actuelle, la fameuse "cuisine" exposée jusqu’à fin octobre : plaquette en main, sens critique en éveil, affûté par tant d’énervement…
Alex Guillet, dont les gravats plâtreux nous accueillent dès l’entrée : «Plus qu’une sculpture», me disait le dossier de presse… Je me surprends à penser : «moins qu’une sculpture» … Fait partie de la mouvance sans socle, c’est sans doute beaucoup plus fort, tendance et contemporain de déposer sa pièce au sol, sur un tas de sable, de cailloux ou de déchets divers. De cette masse blanche émergent quelques membres humains, symbole plutôt facile, me semble-t-il. Plus loin dans le dossier de presse : le travail présenté «participe de cette interrogation». On ne voit pas bien laquelle (le corps ?) Il interroge aussi et surtout sur les limites artistiques de l’auteur…
Trois des artistes me semblent employer des moyens disproportionnés par rapport à leur propos : Agnès Hardy, avec ses livres percés qu’elle nous propose de placer sur notre visage à la manière d’un masque, miroir à l’appui, Guy Camut et sa grande surface noire en écriture braille géante, interrompue par une empreinte digitale blanche (géante aussi, bien sûr), et Michel Gourichon, avec des blocs de pierre d’où émergent des téléphones portables fossilisés, ou une suite numérique gravée. Tout cela aurait pu être traité aussi bien (mieux, sans doute) par un petit dessin humoristique ou poétique, avec la même portée (plutôt anecdotique ou d'une symbolique assez primaire). Mais non, il faut du spectaculaire, du tape à l’œil, comme si cela allait donner du poids aux idées. Là, je pense qu’elles n’en valent vraiment pas la peine. Une des difficultés de l’artiste est de servir son propos avec des moyens et des formats adaptés. Zao Wou-Ki a dit : «une bonne peinture doit être accordée à sa dimension». Cela ne vaut-il pas pour toutes les disciplines de l'art ? N’apprend-on donc pas cela aux Beaux-Arts d’Angers ? Il est vrai qu’on y oublie un peu les peintres, à ce qu’on m’a dit.
Il y a encore Agnès Guidon, et ses installations déprimantes, non pas par le thème, mais par l’impression de «déjà-vu-partout-dans-tous-les-lieux-d’art-contemporain».
Anne Auguste, qui s’épuise dans une idée initialement assez intéressante d’assemblage de surfaces suspendues, mais aux accords de couleurs douteux (tape-à-l'œil, aussi ?), et aux matières picturales pauvres, tellement pauvres, larges coups de brosse sans respiration, et vagues graffitis au stylet qui tentent vainement d’animer les aplats.
Katerina Kudelova, totalement en panne d’inspiration, est au bord du vide. Ce que j’avais vu à Saint Mathurin, l’an passé, à la galerie à vous de voir, m’inquiétait déjà un peu, travail tellement influencé par Christian Jaccard et l’utilisation du feu, que c’en était gênant (et je ne parle pas de l’installation..) Rien n’a changé. Jaccard enflammait ses œuvres dans les années 70. Ici, on parle d’avant-garde et d’artistes émergents…
Gwenael le Berre est la preuve du mauvais goût assumé de l’AC.
Il reste Pierre Cyprien, dont les grands dessins de fils électriques terminés par des ampoules allumées sont vraiment très plaisants, chargés de poésie, sans aucun doute, même si on a l’impression d’un croisement entre les dessins de Cocteau (ou plus récemment de Daniel Tremblay) et de La Linea, vieux dessin d’animation de la télévision des années 70 également.
Quant aux sons de Tony Baker, j’avoue ne pas avoir eu envie de me balader dans l’exposition avec un casque sur la tête. Je ne les ai donc pas entendus.
Il me reste une impression de gaspillage, de déjà vu, d’encore vu, de toujours vu, d’une terrible banalité.
Comment tous ces gens ne se rendent-ils pas compte de ce qui leur arrive ?
(1) Art contemporain
(2) Vivre à Angers, septembre 2009
(3) Bibliothèque Universitaire