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Génération X Le billet de Nestor

Publié le 29 mars 2010 par Angèle Paoli
Le billet hebdomadaire de Nestor (23)


GÉNÉRATION X

Je te revois, le masque repeint, penché sur la moindre falaise.
Enfant déjà, criblé de recels, régnant sur les creux et le sel de la place, sous la grande rumeur de fortune.
Il pleuvait, de partout. Mais pas sur la terrasse où tu circulais, affublé du versant inouï, au dernier son du tambour.
Je t’imagine enfin – loin des fournées publiques – comme du temps où tu t’embarrassais d'une apparence de noce.

Assez. Déblaie les mouvements pubères, tétanise-les un à un, dès cette si drue naissance que tu disais louer, louve, loi, servante... Car c'est ici que tout se doit d'être repris, et maintenant, l'ébauche d'invasion, la sente culminant aux sabliers, le sang nouveau...
Pour nous, se jouant des lisières du fumier superbe, tes restes : le bec d'un improbable aigle désenclavant les cils, éperonnant les miroitements. Au bord de l'eau simple, le venin. Comme toujours. La main gantée du mendiant couvant impérieusement la lèpre. Rumeurs des galets, à la nuit. Reculs, parmi les gestes des femmes. L'avenir trépané consume l'ongle, crisse sous la lenteur. Toi tu laisses faire, comme on s'abouche de blessure à blessure, dans le feu inversé, là où fument irréversiblement, épaule contre épaule, tumeurs et rixes, neiges et fables, sous le couteau de fiel d'une houle encore à prendre...

Bonheur d'être qui tu es, qu'il ne te soit advenu que ce que tu voulus, les levains et les rives, le foulé et l'avide, le rejet et le clos, les sucs et la soif, l'accru reflué vers ce qui longe et dévie, coupe et tance, t'efface en ce qui fut mais jamais ne sera : ni ton enfant, ni ta noce, ni ton gîte, ni ton ombre...

Non pas la coulée cheminant sur le visage désert, la promeneuse rejointe dans sa faim, et qui te lie.
Non pas le fruit de profil recueillant les soubresauts à ton insu, ou le partage des meules, sans enjeu, impalpable.
Pas même l'intrus, dedans l'enclave mal taillée, jaloux du pas de l'épervier sur la dalle, avec sa frayeur et ses armes, son versant, ses preuves, peut-être, du côté pacifié des souches.
Mais le jour de mer, innombrable, l'histoire de la mer d'un seul tenant gravie et repliée: toi, méridien de ses règnes, n'exigeant pas moins que la mémoire des rives d'herbes chaudes, et qui sont elle, et plus loin qu'elle.
La mer, attendue à pleine gorge, qui calcine l'alliance des mâts, engloutit le dernier tison, son invasion affleurant l'étrave, loin du matin de ronces et de mésanges ; la mer miroitant aux tempes du bestiaire, la mer qui soutient ton insémination, te dévêt des confins, te renverse dans sa tumeur d'écume.
Tu n'en es qu'aux débuts, à la cime des crues. Car il te faudra nager longtemps, à l'affût du foyer perfide, résigné au rythme de cette race des eaux, avant qu'elle ne consente à ta fatigue, et t'inaugure.

André Rougier
D.R. Texte André Rougier


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