Mon cher Victor, En ce dimanche de labeur, je te propose d'évoquer un de ces petits détails qui font que la vie d'instit' est parfois extraordinaire. Je ne suis, comme tu le sais, qu'en début de carrière. Pourtant, certaines incongruités me laissent imaginer avec perplexité les surprises que me réservent mes années d'enseignement à venir. Tiens, tiens, tiens...
Samedi matin. Il est 8 h 50. Je suis de service, et encore à demi-ensomeillée. Une CP vient me chercher : "Maîîîîîîîtreeeesse ! Maîîîîîîtreeeeesse !". Je m'attends, comme d'habitude, à (collègues, cochez la réponse qui vous rappelle quelque chose...) : a) "Iiiiiii m'a donné un cooooup de piééééé !" b) "Eh ben les garçons là-bas ils jouent au pied alors que c'est interdiiiit !" c) "Lui là bas, eh ben, eh ben, iiii m'a dit un groos moooot !". Mais non... Rien de tout cela !
"Maîîîîîîtresse !!! Y a une culotte dans la cour !!!!"
Hein ? Une culotte dans la cour !!!! On pointe du doigt un bout de tissu blanc que je distingue, de loin, sur le grisâtre goudron de la cour. Allons, allons... Je pars à la découverte de ce bout de tissu blanc. Effectivement, après inspection, c'est bien une petite culotte. Une culotte miniscule : format CP ! J'interroge les gamins : à qui donc est cette petite culotte ? Bien sûr, je n'obtiens aucune réponse, juste des "C'est pas à mooooi !", "C'est pas à moi, Maîtresse, je te le juuuuure !"... Je m'en vais rapidement la déposer dans le bac "vêtements trouvés", soudain très très réveillée et assez amusée par ce drôle d'évènement en me disant que cela fera une petite anecdote croustillante à te raconter. Effectivement, c'est assez amusant ! Mais ce n'est pas terminé !
10 h 45. Après la récréation, je fais rentrer les gamins en classe. Elodie vient me voir : "Maîtresse, y a une culotte sur le bureau d'Eloïse !". Fouillant sur mon bureau à la recherche de mes photocopies, je ne prête qu'une attention minimale à cet étrange caftage (que les gamins aiment se dénoncer les uns les autres, mon dieu...). La fameuse Eloïse prend place et alors que je lève le nez de mon cahier-journal, je la vois brandir une petite culotte rose sous le nez de ses camarades, le sourire jusqu'aux oreilles, tel un trophée. On aura tout vu ! Bien sûr, je demande à cette charmante enfant ce que vient faire cette petite culotte, dans le cadre de la classe et la môme me répond, fièrement, que c'est la sienne, tombée de son cartable. Avec toute la diplômatie et le sang-froid qu'on me connaît, je la prie de ranger prestement cette chose avant que je ne me fâche tout rouge.
Si j'avais imaginé qu'un jour je serais été obligée de faire remarquer, à une classe de CE2-CM1, qu'on ne montre pas ainsi ses petites culottes, j'en aurais perdu le souffle ! Non mais vraiment ! C'est fou, ça ! Et je n'en suis encore qu'au début de ma carrière...