Toute la nuit, Elsa avait accumulé les cadavres dans ses rêves: des femmes se jetant des fenêtres, des hommes tirant dans la foule, du sang partout et aucun regret. Elle avait toujours mal au ventre. Mais, cette fois-ci, ce n’est plus le bébé qui poussait parce que du bébé il n’y en avait plus. Encore une fois, elle était rentrée hagarde de l’hôpital. Troisième fausse couche et pas de place pour vous ce soir, désolée madame.
Elle pensait encore aux yeux noirs et immenses de son gynéco. Comme un reproche contre son obstination. Comme une menace : « cette fois, ça suffit ! C’est la dernière fois, Elsa ! » Elle l’emmerde ce trifouilleur de vagin. Qu’est-ce qu’il y connaît aux femmes si ce n’est le trou de leur utérus ?
Il est déjà midi, elle ne devrait pas être si mauvaise. Voilà ce qu’elle devrait faire : se préparer un bon café, se bâfrer de mets autrefois interdits, saumons et autres fromages, se précipiter sur Internet et se lancer sur des recherches sur les mères porteuses ou l’adoption dans les pays qui crèvent la « sère-mi ».
Elle a trop mal, elle part se faire couler un long bain chaud et plein de mousse…