Qu'avons-nous fait du Christ ?

Publié le 30 mars 2010 par Fbruno

KINSHASA. Spécial Année Sacerdotale : Entretien avec l'Abbé Michel Gérard. 20.03.2010

Abbé Michel Gérard L'abbé Michel Gérard est actuellement le coordonnateur des écoles conventionnées catholiques dans l'Archidiocèse de Kinshasa et président de la commission des implantations pastorales de l'Eglise de Kinshasa. C'est en 1965 que l'abbé Michel a été ordonné prêtre de l'archidiocèse de Kinshasa. Né d'une famille chrétienne belge et arrivé à Kinshasa à l'âge de 6 ans, le jeune Michel resta très attaché aux valeurs chrétiennes catholiques. Encouragé par sa famille, il entre au séminaire qu'il ne quittera plus. Très discret et très humble, il est moins connu des fidèles de l'Archidiocèse de Kinshasa alors qu'il est un des premiers prêtres de cette archidiocèse. Il vient après la génération du Card. Malula et Mgr Moke. Il s'est confié à Ademis pour l'année du sacerdoce et d'autres questions liées à l'archidiocèse de Kinshasa.

Quelle signification accordez-vous à cette année du sacerdoce ?

C'est d'abord une année de prière, de réflexion et d'approfondissement. Le sacerdoce est quelque chose de merveilleux. C'est une année de remise en question sur ce don que nous avons hérité du Père, un approfondissement de notre engagement à la suite du Christ. Il est temps que nous nous posions la question de savoir : qu'avons-nous fait du Christ ?

Vous êtes l'un des premiers prêtres de Léopoldville aujourd'hui Kinshasa. Pouvez-vous nous dire qui était un prêtre vers les années 60 ?

Un prêtre était un homme bien formé et cette formation était très exigeante. Cette exigence était d'abord du point de vue spirituel. Le prêtre était spirituellement fort. Il avait aussi une formation exigeante du point de vue moral. Le prêtre était un homme très équilibré. Cette formation lui permettait de pouvoir faire face à beaucoup de défis de cette époque. Vous avez tant d'exemples, des modèles comme les abbés Malula, Moke et autres qui sont l'image de ces prêtres des années 60.

Quels souvenirs gardez-vous de ces années là ?

Beaucoup de souvenirs. C'est-à-dire que vers ces années il y a eu un virus de transition peut être trop brusque du côté de l'Etat parce que du côté de l'Eglise cela a été fait de façon progressive. Les premiers évêques congolais ont été ordonnés avant 60. Du côté de l'Etat le passage à l'indépendance a été fait dans une impréparation totale. C'était un passage extrêmement brusque avec énormément des soubresauts. Nous en subissons des conséquences jusqu' à présent.

L'Eglise était davantage préparée, mais l'Eglise fait aujourd'hui face à un certain nombre des problèmes qui sont posés par la société moderne. Dans l'Eglise de Kinshasa, par exemple, on avait en 1960 plus ou moins 450 milles habitants et maintenant on en compte plus de 8 millions. Il est évident que faire face à une pareille augmentation de la population, c'est quelque chose qui n'existait pas dans beaucoup de villes du monde. Que ce soit le pouvoir public, que ce soit l'Eglise, cela fait des problèmes énormes simplement pour pouvoir donner à cette population ce à quoi elle a droit.

Du point de vue de l'enseignement, parce que je suis le coordonnateur des écoles conventionnées catholiques de l'Archidiocèse de Kinshasa, il est évident qu'avoir une petite dizaine ou une quinzaine d'écoles parfaitement à niveau vers les années 60, c'était beaucoup plus facile qu'en avoir 450 comme aujourd'hui. En ce qui concerne la vie spirituelle, nous devons continuellement faire face à l'augmentation de la population pour créer de nouvelles paroisses et je dois vous dire que nous n'y parvenons pas. Je le dis comme président de la commission diocésaine des implantations pastorales qui s'occupe justement de cette question. Je vous assure que c'est quelque chose de compliqué parce que nous n'avons pas de personnel, les moyens matériels même pas, dans certains quartiers, nous n'avons pas de laïcs formés pour pouvoir prendre les choses en main.

Pourtant le Cardinal Malula avait déjà pensé à cette situation pendant le synode diocésain de 1986-1988. Il faut dire qu'il serait bon de faire une relecture de toutes les résolutions du synode pour voir si elles sont appliquées ou pas. Et si elles ne sont pas appliquées, il ne faut pas jeter la pierre contre quelqu'un. Il y a peut être beaucoup de ces résolutions qui ne sont pas appliquées parce qu'il y a manque des moyens.

Dans leur lettre adressée aux prêtres, les Evêques ont dénoncé certaines dérives comme le goût du lucre, le manque de vie communautaire, etc. Qu'en dites- vous ?

Il est évident que ce que vous venez d'énumérer ce sont des dérives réelles et que les évêques ont parfaitement raison de mettre les prêtres en garde contre cela. Maintenant la première chose c'est qu'il ne faut pas non plus généraliser parce que je crois que dans notre pays il y a un bon nombre de bons prêtres. Nous avons béatifié Anuarite, Bakanja et je suis persuadé qu'il y a dans ce pays des prêtres qui pourraient être béatifiés comme martyrs. Le cas de Mgr. Munzihirwa est très éloquent.

Il y a de ceux qui peuvent le devenir simplement par leur exemple de vie sacerdotale. Je pense qu'il serait peut être bon dans cette année du sacerdoce où le Saint Père nous donne comme exemple le curé d'Ars qui est exactement un tout grand exemple pour nous autres prêtres diocésains, que nous ayons des exemples dans le clergé congolais qui puissent nous être présentés.

Il y a certainement des pistes de solutions à tous ces problèmes et je pourrai un tout petit peu renvoyer la balle aux évêques d'abord parce que ce ne sont pas tous les évêques qui sont des exemples et deuxièmement surtout en ce qui concerne le dialogue et l'écoute. Quand un prêtre et même un laïcs a un problème il faut toujours l'écouter et c'est ce que j'essaie de faire avec les enseignants. Il faut toujours écouter et après avoir écouté alors faire des remarques avant de prendre des décisions. Il y a certainement des prêtres qui se trouvent dans des situations de détresse du point de vue spirituel, ou moral, mais le pécheur il faut toujours essayer de le redresser, il faut s'en occuper.

La vie communautaire, par exemple, s'apprend au séminaire et au début du sacerdoce. Si quelqu'un a été mis dans une situation autre que la vie communautaire, c'est parfois difficile de la faire vivre dans une communauté où les aînés n'ont pas le sens de la vie communautaire. Comprenez bien ce que deviendra ce jeune prêtre quelques années plus tard. Il appartient donc à nous tous, prêtres, d'attirer notre attention sur ce point.

Etes-vous comblé par cette vie du sacerdoce ?

Je dirai même très comblé par cette grâce venue du ciel et j'ai toujours dit merci au Seigneur pou cela, car je ne m'imagine pas une autre vie aussi belle que celle que je vis. J'ai passé la plus grande partie de cette vie à former les futurs prêtres et l'expérience des paroisses n'a commencé que tard. Pour cette raison je ne suis pas très connu du grand public. Je préfère passer du temps dans des paroisses des zones reculées de Kinshasa où j'aime prendre paisiblement de l'air. Merci, mon Dieu, pour ce don gratuit !

Pas de souci donc pour femme et enfants ?

Oh, avec cette vie que je mène déjà et avec les tâches que j'ai à remplir, eh bien, si je dois encore mettre femmes et enfants c'est vraiment trop me demander. Mon travail me demande de m'occuper de nombreux femmes et enfants, cela me suffit. Je n'ai jamais regretté le fait de ne pas avoir une femme et des enfants, mais, au contraire, je me sens beaucoup mieux comme je suis !

Propos recueillis par Jacques Kalokola