Comme tous les matins, elle l’a entendu s’extirper lourdement de leur couche, elle a senti ses lèvres molles se poser sur sa bouche, elle l’a observé mettre son costume de marque, elle a soupiré en le voyant sortir de la chambre.
Comme tous les matins, elle a attendu qu’il claque la porte pour se lever.
Sans un regard pour l’employée, elle s’assit à la table du petit déjeuner sur la terrasse surplombant l’océan. Elle grimaça en goûtant le jus d’oranges fraîchement pressées :
- Maria !
La femme arriva, le visage fermé, sans expression.
- Mademoiselle ?
- Il est infect ce jus ! Combien de fois faut-il vous répéter que je ne le bois jamais sans un zeste de citron vert !
- Bien Mademoiselle, je vais en préparer un autre. Tenez, Monsieur a laissé ceci pour vous ce matin.
Maria tendit une enveloppe à la jeune femme qui la décacheta tout en maugréant contre cette colombienne sortie de rien qui prenait des airs de maîtresse de maison :
- Bien Mademoiselle, je vais vous en préparer un autre ! J’te jure ! En voilà encore une payée à rien foutre…Dès que j’aurais la bague au doigt, je te vire !
L’enveloppe à moitié ouverte, elle s’imagina en reine absolue du domaine, dépensant l’argent sans avoir à le compter – ni à le gagner ! -, vivre la vie pour laquelle elle était faite, enfin !
A force de chercher, elle l’avait trouvé : Célibataire, plein aux as, pas d’enfants. Elle regrettait cependant qu’il ne fût plus âgé. A 60 ans, avec la santé qu’il avait, il pouvait bien durer au moins 20 de plus… Déjà qu’il la dégoûtait avec ses airs de vieux pervers…
« Bah, ironisa-t-elle, il faut bien payer de sa personne… »
Maria revint débarrasser la table.
- Monsieur a dit que vous deviez l’ouvrir ce matin, dit-elle en désignant l’enveloppe du menton.
- De quoi je me mêle ! aboya la jeune femme.
L’employée s’éloigna, sourire aux lèvres.
Curieuse malgré tout, elle en regarda le contenu.
Elle poussa alors un cri de victoire.
- Maria ! Maria !
- Mademoiselle ?
- Regardez ! Ca vous en bouche un coin hein ?
La jeune femme lui tendit un carton sur lequel était écrit : « Veux-tu m’épouser ? »
- Félicitations Mademoiselle.
- Ouais, c’est ça ! Je sais bien que vous ne m’aimez pas, moi non plus ! N’empêche, c’est moi qui bientôt donnerais les ordres dans cette baraque ! Vous avez intérêt à vous y faire, sinon, pfff…, adios Maria !
Son téléphone portable vibra. Elle congédia Maria d’un geste hautain avant de répondre :
- Chéri ! Quelle merveilleuse surprise ! Oui, oui, oui, mille fois oui ! Ce soir… ? Bien sûr ! Je serai magnifique ! Rien que pour toi !
Elle passa la journée dans une grande fébrilité, n’osant croire qu’elle avait finalement décroché le jackpot. Elle eut même la satisfaction de constater que cette vieille peau de Maria préparait un dîner somptueux, signe évident qu’elle commençait à comprendre que sa place ne tenait qu’à son caprice, à elle.
Vêtue d’une courte robe moulante comme il les aimait, ses cheveux blonds lâchés dans son dos et montée sur des talons qui allongeaient ses jambes déjà immenses, elle l’attendait.
Quand il arriva enfin, il s’amusa de son excitation, la trouvant exquise dans son rôle de future mariée amoureuse, terriblement participative lorsqu’ils passèrent dans la chambre à coucher…
Leurs ébats terminés, ils se rhabillèrent et firent honneur au repas de Maria.
Celle-ci attendait dans un coin de la pièce, une valise à ses pieds.
La jeune femme, toute à sa victoire, ne lui prêta aucune attention.
Il leva son verre, la regarda bien face et tonitrua :
- POISSON D'AVRIL !
Il éclata de rire devant sa mine stupéfaite.
- Hein ? articula-t-elle, quoi poisson d’Avril ?
- Comment ma chérie ? Tu ne sais pas qu’aujourd’hui nous sommes Jeudi 1er Avril ? Avoue que tu y as cru à ma blague non ?
- Ta blague ? Quelle blague ?
- Enfin ma belle, tu ne penses tout de même pas que je vais t’épouser si ? Ah ah ah !!!! Si tu voyais ta tête, je crois bien que c’est la plus drôle de toutes celles qui sont passées ici avant toi, tu ne trouves pas Maria ?
- Si Monsieur, répondit-elle, un imperceptible sourire aux lèvres.
- Allez, reprit-il en se levant, les meilleures blagues étantles plus courtes, tu bouges tes fesses et tu te casses. Maria a préparé ta valise, elle va t’emmener à la gare. Hop, hop, hop, on se depêche !
La jeune femme hébétée se laissa choir dans la voiture.
Tenant la portière à sa vieille complice, l'homme lui glissa à l'oreille :
- N’oublie pas de la prendre en photo pour l’album…
Participation un peu tardive au Jeux d’Ecriture n°3.
Et pour continuer dans les blagues, voici les participations au Concours de Rien :
Cétoile, bbflo, Béa, Lily, Jacinthe et Petra, Véronique, Sandra, Tranche2TNT, Roxane, sans oublier la magnifique bannière de La Mère Joie.
Comme il a été très difficile de vous départager, vous recevrez bientôt un magnifique Rien dans votre boîte à lettres !