(…) « Tout était tranquille. La fièvre qui dévorait Farragut lui rappela l’effet de la drogue à laquelle il avait renoncé, semble-t-il. Il sentait la torpeur l’envahir. Il arriva alors une chose étrange. Il vit, à la porte ouverte de sa cellule, un homme jeune aux cheveux comme illuminés par le soleil, vêtu d’un surplis immaculé. Il portait un petit plateau, un calice et un ciboire d’argent.
« Je suis venu célébrer la sainte Eucharistie », dit-il.
L’inconnu entra dans la cellule, il dégageait une odeur de propreté. Farragut lui demanda :
« Dois-je m’agenouiller ?
— Oui, s’il-vous-plaît. »
Farragut s’agenouilla sur le béton usé, qui ressemblait à un vieux morceau d’autoroute. L’idée que c’était peut-être son service funèbre ne l’inquiétait pas. Il avait l’esprit parfaitement libre et il s’immergea complètement dans la cérémonie parfaitement réglée dont il avait appris le rite dans son enfance.
« Le ciel et la Terre sont remplis de ta gloire. Que ton nom soit béni, ô Seigneur tout puissant. »
Quand il sentit l’envahir cette paix qui dépasse toute explication, il dit : « Merci, mon père. »
Et le prêtre lui répondit d’une voix sonore et virile :
« Que Dieu vous bénisse mon fils. » (…)
John Cheever, Falconer (traduit de
l’américain par Michel Doury)
Contribution de Christophoros pour le Jeudi saint.