Magazine Humeur

La joie d'être prêtre.

Publié le 01 avril 2010 par Fbruno

Homélie de Monseigneur Henri Brincard pour la messe chrismale, le 30 mars

En cette année du sacerdoce et au terme d'une journée fraternelle, quelle joie profonde de nous retrouver pour la célébration eucharistique dans la lumière du Bon Pasteur dont, par notre ordination sacerdotale, nous sommes les premiers serviteurs ! À l'aide de cette profonde lumière, nous voulons ensemble rendre grâce pour notre appel et aussi pour les années au cours desquelles, au nom du Christ, nous avons conduit les communautés qui nous ont été confiées.

Aujourd'hui, dans une joyeuse espérance, nous voulons renouveler nos cœurs. En effet, faire mémoire du don du sacerdoce, c'est aussi se souvenir qu'en tant que baptisés nous sommes appelés à la sainteté et qu'en tant que prêtres nous répondons à cet appel dans l'exercice même de notre ministère. Le Décret conciliaire sur « Le ministère et la vie des prêtres » le souligne fortement. Il affirme, en effet, qu'en menant la vie même du Bon Pasteur, nous trouverons « dans l'exercice de la charité pastorale le lien de la perfection sacerdotale » ramenant « à l'unité notre vie et notre action »[1].

La communauté chrétienne se reçoit du Christ par le prêtre. Nous le savons, certes, mais sans doute n'aurons-nous jamais fini d'en découvrir les multiples implications. Proposé comme exemple de sainteté à tous les prêtres du monde, le curé d'Ars avait une vive conscience de sa responsabilité de pasteur. Cette conscience plongeait Jean-Marie Vianney dans un émerveillement où la frayeur le disputait à une joie intense. Recevant la mission de prendre en charge la paroisse d'Ars, le saint curé fera, quelques années plus tard, cette émouvante confidence : « Plein de soucis, travaillé de mille craintes, je cheminais versant des larmes à l'idée de la responsabilité qui, désormais, allait peser sur moi ». Mais il dira également : « On ne comprendra le bonheur qu'il y a de dire la messe que dans le ciel ! »

Posons-nous à présent la question : « Que signifie le service sacerdotal dans le concret de nos vies ? » Il vous appartient de répondre et je serai heureux d'échanger avec vous sur ce point. Aujourd'hui, rappelons seulement que le Christ, source de la vie et de la mission de l'Église, a voulu dans sa miséricorde nous associer d'une manière spécifique à son sacerdoce unique et éternel. Mais, en nous regardant, avec nos limites et nos pauvretés, comment ne pas être bouleversés que le Sauveur du monde ait voulu passer par nous pour se donner à tous ? Au jour de notre ordination, nous avons expérimenté d'une manière inoubliable ce bouleversement qui n'est pas d'abord ni même souvent d'ordre sensible.

En cette année sacerdotale voulue par Benoît XVI, sollicitons la grâce d'une nouvelle découverte du bonheur d'être prêtre. Oui, c'est sa Parole de vie que nous annonçons ! Oui, c'est sa Vie de Ressuscité que nous communiquons ! Oui, c'est l'unique Pasteur qui, par nous, veut conduire au Père tous les hommes car, pour chacun d'eux, il a versé son sang ! Dans sa troisième prédication de Carême de cette année, le père Cantalamessa, prédicateur de la maison pontificale, nous exhorte à l'action de grâce sous la forme d'une prière que nous pouvons volontiers faire nôtre : « Merci, Seigneur, parce qu'un jour tu nous as séduits, merci parce que nous nous sommes laissé séduire, merci parce que tu nous donnes la possibilité de revenir à toi et tu nous rattrapes après chaque tentative de fuite. Merci parce que tu nous confies "la garde de tes parvis" (Za 3, 7) et tu fais de nous "ta bouche". Merci pour notre sacerdoce » !

Exprimer notre reconnaissance à Jésus, c'est aussi proclamer que notre mission sacerdotale est une mission de communion, mission exprimant de manière particulière le mystère de l'Église. Selon une belle expression de Jean Paul II, l'Église n'est-elle pas, en effet, essentiellement « une communion missionnaire » ? Dans un monde où il y a tant de souffrances causées par des divisions atteignant les communautés humaines et les communautés ecclésiales, nous souvenir que nous sommes serviteurs de la communion augmente beaucoup notre joie d'être prêtres, car notre service spécifique est de « donner Dieu aux hommes et les hommes à Dieu ». De ce fait, nous sommes aussi les ministres d'une communion nouvelle rassemblant les hommes dans cette fraternité de fils ayant pour Père en Jésus-Christ, « l'unique Père des cieux ».

En raison même de notre ministère sacerdotal, notre appel à la sainteté avec sa forme particulière est un appel à une très haute sainteté comme Jean-Paul II et son successeur Benoît XVI nous l'ont rappelé avec des accents émouvants.

À l'heure actuelle, l'Église connaît de grandes tempêtes. Certaines d'entre elles nous interpellent particulièrement car, d'une manière ou d'une autre, elles nous aident à nous souvenir que nous sommes les premiers à avoir besoin du pardon divin, pardon dont nous sommes les ministres dans le sacrement de réconciliation. Ces tempêtes dont les origines médiatiques sont souvent injustes peuvent devenir autant de chemins de purification. Alors, tâchons de tirer des épreuves présentes une grâce d'espérance.

Reconnaissons aussi qu'aimer le monde ne signifie pas pour autant en approuver tous les comportements ni suivre aveuglément les modes du jour. En effet, « Il nous faut l'approbation de Dieu et non celle des hommes »[2].

C'est bien ce à quoi Jésus nous invite dans l'Évangile : « Soyez dans le monde sans être du monde ». C'est dire qu'avec l'aide du Saint-Esprit, il nous faut opérer sans cesse un discernement pour aimer et servir humblement ceux qui nous sont confiés. Alors ne soyons pas étonnés qu'annoncer le Christ soit dérangeant, pour nous d'abord et ensuite pour ceux qui nous écoutent. Ce temps de la Passion nous le fait comprendre de manière plus évidente que jamais. Oui, osons déranger en refusant, par exemple, d'ajouter notre voix à celles proposant à l'homme les idolâtries du jour, celles qui ont pour nom le plaisir, l'argent, le pouvoir, la vaine gloire flattant notre vanité, etc.

Permettez-moi de citer ici une page célèbre de Bernanos, page où cet auteur inspiré rappelle dans un style étincelant que l'ultime pouvoir de l'Église réside dans la sainteté de ses membres, une sainteté agissant au sein du monde comme un ferment d'espérance, comme un torrent puissant emportant tout sur son passage. « L'heure des saints - nous dit Bernanos - vient toujours. Notre Église est l'Église des saints ! Qui s'approche d'elle avec méfiance ne croit voir que des portes closes, des barrières et des guichets, une espèce de gendarmerie spirituelle. Pour être un saint, quel évêque ne donnerait son anneau, sa mitre, sa crosse, quel cardinal sa pourpre, quel pontife sa robe blanche, ses camériers, ses suisses et tout son temporel ? Qui ne voudrait avoir la force de courir cette admirable aventure car la sainteté est une aventure, elle est même la seule aventure. Qui l'a une fois compris est entré au cœur de la foi catholique, a senti tressaillir dans sa chair mortelle une autre terreur que celle de la mort, une espérance surhumaine ».

Frères dans le sacerdoce, je voudrais maintenant partager avec vous une conviction qui, après de nombreux contacts, m'habite profondément. L'urgent pour notre diocèse est le renouveau de la mission. Point besoin d'inventer ni le contenu ni les formes essentielles de cette mission car le Christ nous les a données lui-même par son Église. La vraie question devient par conséquent : « Comment répondre de mieux en mieux à l'appel que nous adresse "le Premier né d'entre les morts", appel pressant à évangéliser les hommes de notre temps ? » Pour nous, évêque et prêtres, cela revient à nous demander : « Comment vivre notre sacerdoce dans un esprit missionnaire ? Comment aider nos communautés à devenir, elles aussi, de plus en plus missionnaires ? » Notre dernière assemblée plénière à Lourdes s'est penchée sur ces questions. Au terme d'échanges fructueux, le cardinal André Vingt-Trois, président de la conférence, nous a délivré un message plein d'espérance. En voici un extrait : « Notre Église retrouve le goût d'être apostolique et missionnaire. Elle est apostolique parce que, depuis vingt siècles, nous recevons la foi au Christ par le témoignage des Apôtres et de leurs successeurs : "As-tu quelque chose sans l'avoir reçu ?"[1] L'Église est missionnaire parce qu'elle ne serait rien si elle n'était animée par l'Esprit de Pentecôte, constamment tournée et tendue vers les autres, vers ceux qui ne connaissent pas le Christ, ceux vers qui le Christ est lui-même toujours tourné : "Allons ailleurs, parce que là aussi il faut que j'annonce l'Évangile"[2]. Sans cesse, il nous faut appeler les communautés à se laisser entraîner par ce dynamisme missionnaire ».

Sans mettre en place de nouvelles structures de concertation, je souhaite que, selon un programme préparé par de judicieux et indispensables échanges, nous favorisions au sein de nos communautés chrétiennes une réflexion en profondeur sur la mission et ses priorités aujourd'hui. Le moment venu, nous pourrons tirer profit des conclusions en développant les énergies missionnaires de nos communautés.

Redisons-le : la mission nous concerne tous, évêque, prêtres, diacres, consacrés, fidèles chrétiens ! Alors faisons nôtre le souci de la mission, un souci premier car « l'amour nous presse » ! Cherchons avec persévérance à mieux répondre par des initiatives concrètes à l'appel que l'apôtre Paul nous adresse à chacun : « Malheur à moi si je n'évangélise pas ! »

Pour les temps qui viennent, que la devise de notre diocèse soit : « En avant sur le chemin de la sainteté et de la mission ! »

En cette année du sacerdoce, confions notre presbyterium et notre diocèse à la Vierge Marie afin que nous soyons, avec nos communautés, les missionnaires de l'amour inouï de Dieu pour les hommes.

En communion avec Benoît XVI, je conclus avec une prière que le Saint-Père a composée pour l'Année sacerdotale et que je tiens à dire spécialement en union avec les frères prêtres qui, pour cause de maladie ou pour d'autres raisons, n'ont pu nous rejoindre en ce jour d'action de grâce et d'espérance :

« Seigneur Jésus, présent au Très Saint Sacrement, tu as voulu rester présent parmi nous au moyen de tes Prêtres, fais que leurs paroles ne soient que les tiennes, que leurs gestes soient les tiens, que leur vie soit un reflet fidèle de la tienne. Qu'ils soient les hommes qui parlent à Dieu des hommes et parlent aux hommes de Dieu. Qu'ils ne soient pas craintifs dans le service, en servant l'Église comme Elle veut être servie. Qu'ils soient des hommes, des témoins de l'éternel dans notre temps, en marchant par les sentiers de l'histoire du même pas que toi et en faisant le bien à tous. Qu'ils soient fidèles à leurs engagements, jaloux de leur vocation et de leur donation, de clairs miroirs de leur identité propre et qu'ils vivent dans la joie du don reçu. Je te le demande par Sainte Marie, ta Mère : Elle a été présente dans ta vie et sera toujours présente dans la vie de tes prêtres. Amen. Benoît XVI

Messe chrismale de l'année sacerdotale 2010.

+ Henri Brincard

Évêque du Puy-en-Velay


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