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"Père, entre tes mains je remets mon esprit..."

Publié le 02 avril 2010 par Hermas

Dernières paroles du Christ en croix (Lc 23,46).

"Oh Jésus, le plus abandonné des hommes, lacéré par la douleur, voici ta fin ! Cette fin est celle où un être humain en vient à se voir ôter jusqu'à toute décision libre entre le rejet et l'acceptation. C'est la mort. Qui t'arrache, ou qu'est-ce qui t'arrache ? Le néant ? Le destin aveugle ? Non, le Père ! Le Dieu qui unit sagesse et amour. Ainsi tu te laisses porter, et tu t'abandonnes entre les mains légères et invisibles que nous autres, incrédules, enfermés en nous-mêmes, nous nous représentons comme le gouffre inprévu, la cruauté et le destin aveugle de la mort.

Mais toi tu le sais : ce sont les mains du Père. Tes yeux, en lesquels il fait déjà nuit, sont capables de voir le Père ; ils se fixent sur l'oeil paisible de son amour, et ta bouche prononce la dernière parole de ta vie : "Père, en tes mains je remets mon esprit".

Tu remets tout à celui qui t'a tout donné. Sans conditions, sans réserves, tu confies tout aux mains de ton Père. Quel don amer et lourd ! Le poids de ta vie, que tu as porté seul : les hommes, leur vulgarité, ta mission, ta croix, l'échec et la mort. Mais maintenant, tu n'as pas à le porter plus longtemps ; tu peux l'abandonner totalement et t'abandonner toi-même entre les mains du Père. Totalement ! Ces mains soutiennent, avec fermeté et avec soin. Elles sont comme celles d'une mère. Elles accueillent ton âme aussi délicatement qu'elles abriteraient un oisillon qui se réfugierait entre elles. Rien n'a de poids. Tout est lumière et grâce, tout est sécurité à l'abri du Coeur de Dieu, où la peine peut se répandre en pleurs, et où le Père sèche les larmes sur les joues de son Fils par un baiser.

Jésus, recommanderas-tu un jour ma pauvre âme et mon pauvre corps entre les mains de ton Père ? Dépose le poids de ma vie et de mes péchés sur la balance de la justice dans les bras du Père. Où pourrai-je fuir, où me cacherai-je, si ce n'est en toi, frère dans l'amertume, qui as souffert pour mes péchés ? Aujourd'hui je me tiens devant toi. Je m'agenouille sous ta croix. Je baise tes pieds qui, silencieux et intrépides, me suivent de leur pas sanglant sur les chemins de la vie. J'embrasse ta croix, Seigneur de l'amour éternel, Coeur des coeurs, Coeur patient, transpercé et infiniment bon. Aie pitié de moi. Accueille-moi dans ton amour. Et quand mon pèlerinage aura pris fin, quand le jour déclinera et que m'envelopperont les ombres de la mort, prononce alors ta dernière parole : Père, entre tes mains je remets mon esprit.

Oh, bon Jésus ! Amen.

Karl RAHNER


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