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Rhapsody in black Le billet de Nestor

Publié le 05 avril 2010 par Angèle Paoli
Le billet hebdomadaire de Nestor (24)

RHAPSODY IN BLACK
    Je rêve d'une mort subtile, d'une mort camouflée, que le dernier sursaut des masques travestisse en extase ou en rire.
    Je rêve d'une mort qui s'ignore, innocente et sournoise, du couteau au détour des ruelles, de la balle perdue qui me préserve jusqu'au bout de l'horreur du choix.
    Je rêve d'une mort anonyme, effacée, opaque à force d'ourdir ses raisons, ou n'en ayant pas, qui, ne justifiant et n'achevant rien, sauverait le secret qui, peut-être, n'existe même pas hors d'elle...
    Je rêve d'une mort qui échoue, comme tout doit échouer, sauf l'amitié qui, n'exigeant rien, se plaît à encore et toujours offrir, dans cette discrétion qui tant lui ressemble...
    Quelquefois, l'on se souvient, ou l'on rêve : de cette adolescence savante, de celui qui au sortir d'elle, revenu de tant, faisant déjà corps avec sa dépouille, traverse seul la trouée vers la promesse des bateaux.
    La nuit, dans la confusion des moments de la spirale, celle qu'on ne peuple pas, qui renverse et bannit jusqu'à la nudité de tout...
    Vienne celle qui marque à l'épaule la fin de l'attente, celle, de tous avènements, qui, d'une overdose savante, extermine lentement, sous mes yeux, l'« à-venir », ses pièges, ses ruses, ses créatures.
    Reprenne celle (la même ?) où je suis en paix car, les livres écrits, les femmes effleurées, le monde clos, je peux enfin couler à pic sans que la conscience du gâchis m'empêche de savourer les délices de la noyade.
    La nuit, « pas de détails, tout dans les yeux », celle d'une mer sans surface où tu es qui tu es, non pas de m'écouter la dire, mais de tout savoir à l'avance, à l'orée de la grande commune dissémination.
    Quelle fête encore à épuiser, attentif et distant, innombrable et ramassé, ouvert et séparé infiniment, avec, dans le repos des lèvres, comme un dernier sourire ?
    Plus la peine d'« expliquer » : ta présence inlassable, la discrétion de cette parole interrompue dont nous ignorons tout mais dont, déjà, nous accomplissons les rites...
    Ne rien édifier, que nous soyons ou non au monde.
    Exiger des soubresauts même qu'ils soient provisoires.
    S'éloigner sans parcourir, en une seule fois, silencieux déjà de tous les bruits, sans tromper avec l'autre versant l'assonance, sans un regard pour qui ne précède.
    « Le long du mur du cimetière, les grandes herbes se moquent de la prison maritime ».
    Tout comme ce droit d'être hors d'attente, ce visage de quinze ans, aveuglant, en qui ne persévère que l'impassibilité blanche qui ratifie tout d'avance...
André Rougier
D.R. Texte André Rougier


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