Chers lecteurs, comme vous pourrez le constater, Maman pieuvre n'écrit pas simplement pour vanter les prouesses de ses pieuvrons ou pour rigoler des autres habitants de cette planète. Eh non. Je raconte aussi les mauvais coups. Les événements honteux. Les pieds dans la bouche.
À la suite de ce congé pascal ainsi que d'une escapade de deux jours en famille, une visite à l'épicerie s'imposait. Je dirais même plus, urgeait.
J'étais tranquillement absorbée par le tâtonnement méticuleux de pêches étrangement grosses pour la saison, quand j'entendis mon nom. Sortant de ma torpeur, je me retourne et aperçois une maman de l'école de mes enfants que je n'ai pas vue depuis plusieurs mois.
Maman pieuvre : Ah salut! Comment ça va?
Autre maman : Bien et toi?
Maman pieuvre : Bien!
Et on se range près de l'étalage des clémentines à bout de souffle (les clémentines, pas nous!!) pour placoter un peu. Autre maman arborait une nouvelle coiffure, une jolie coupe de cheveux dégradée, des mèches de couleur bourgogne encadraient son visage. Comme j'ai toujours vu cette maman avec son style un peu... voyons, comment dire... absent... ou plutôt à la va-comme-je-te-pousse, je n'en pouvais plus, je me DEVAIS de la complimenter sur ce changement qui, à mon humble opinion de mère qui ne s'arrange pas vraiment non plus, lui allait à ravir.
Maman pieuvre : Tes cheveux sont tellement beaux!
Autre maman : Merci.
Maman pieuvre, qui n'en a pas assez dit : Ça te va bien cette coupe, et la couleur aussi! Tu as bien fait de faire changement. Tu as fais faire ça dernièrement?
Et là, asseyez-vous bien, j'en tremble encore simplement en l'écrivant.
Autre maman, baissant un peu le ton : Ben... c'est une perruque...
Bon. Y a-t-il un trou quelque part? Un pont duquel me jeter? Un train qui s'approche devant lequel m'élancer? Quelque chose? Quelqu'un pour me sauver de mon propre fouillis? AU SECOURS!
Je vous implore, chers lecteurs, car je vais descendre pas mal dans votre estime, si cela est possible. Car il y a quelques mois, on m'avait informée que cette maman combattait rien de moins qu'un cancer du sein.
Et oui.
C'est moi. Maman pieuvre et sa grande gueule.
C'est moi, la reine de la diplomatie. De la solidarité féminine.
Un cancer. Cette dame faisait tranquillement ses courses, voulait probablement seulement me piquer un brin de jasette. Et moi. Que dire de plus? Quelqu'un que je vois depuis huit ans, que je n'ai jamais complimentée de ma vie, je complimente quoi? sa postiche.
Donnez-moi un fer, et je le tournerai dans votre plaie. Donnez-moi de l'huile, et je la jetterai sur votre feu.
Pour ma défense, elle avait l'air tellement bien, elle n'avait pas l'air malade du tout.
Maman pieuvre, tentant de ne pas bégayer : Eh bien tu m'as bien eue! Je n'aurais jamais deviné! Elle est tellement belle la perruque, je pensais que c'était tes cheveux! En plus, tu as l'air en forme, tu as tes sourcils, tu n'as pas l'air malade du tout!
Et c'est ce dernier commentaire, je crois, qui a fait en sorte qu'elle ne m'a pas administré de baffe. Elle m'a même fait un grand sourire. Elle était contente.
Et j'étais sincère.
C'est souvent par leur comportement durant les épreuves qu'on voit la grandeur des gens. Autre maman est une bien grande dame.