C’est curieux, la tête. Pas la partie du corps, mais les méandres du cerveau et tout ce qu’il peut se passer « dedans »…
Pourquoi après avoir trouvé sa voie, avoir trouvé un projet qui nous correspond en tous points, les peurs apparaissent. Déraisonnées, déraisonnables et si fortes.
J’ai toujours eu deux parties en moi qui se mènent un combat depuis que je suis gamine. Ce que ma mère résumait en « Jean qui rit, Jean qui pleure »… Deux parties, le cœur, la raison et le combat incessant pour me faire plier, dans un sens ou un autre et étouffer finalement la motivation première.
Je me mets à flipper, à me dire que ce ne serait pas judicieux de tout cumuler en même temps : le retour en France, l’installation, le changement « radical » pour les filles et les folies de la mère à vouloir tout transformer. Comme si moi, une nouvelle fois, je devais passer en queue de train, à la fin, peut-être, s’il reste encore du jus. Me concentrer sur les autres et une fois que tout roule pour les autres, penser à moi, s’il me reste du temps.
Je me dis que je devrais peut-être continuer le secrétariat, que ce serait moins compliqué, moins risqué que de tout arrêter et me lancer dans un projet qui peut réussir comme capoter…
Pourquoi tant de peurs à l’idée simple de se réaliser, comme s’il s’agissait de quelque chose de diabolique. On doit en chier, non, dans la vie ? Tout doit être un calvaire, c’est comme ça, c’est ça une vie d’homme et ce n’est qu’une fois mort que l’éclate devient possible.
Cette culture judéo-chrétienne qui condamne toute forme d’épanouissement personnel, toute forme de plaisir et nous persuade que la vie doit être un chemin de croix pour bien la réussir, nous colle à la peau, nous obligeant à culpabiliser du moindre choix fait pour soi…
Et puis ce n’est pas tout, sûrement qu’il y a une certaine difficulté à assumer le fait que pendant 10 ans de ma vie, je me suis trompé de voie. Logique, vue que j’ai suivi cette voie comme une autre, parce qu’il me fallait « gagner ma vie » et « faire quelque chose ». 10 ans de ma vie que je m’apprête à effacer du revers de la main, pour recommencer sur une page blanche avec un tout nouveau projet.
J’ai la sensation de ne faire que cela depuis 3 ans : effacer du revers de la main, travailler à accepter mes erreurs de choix ou de non-choix, recommencer, me lancer dans un nouveau projet et accepter enfin, que non la vie ne doit pas être pourrie. Qu’il n’y en a qu’une et qu’on a le droit de s’en faire une aussi épanouissante, aussi paisible que possible…
Il me restait le taf. Après moi. Après mes filles. Après mon Amoureux. Plus que le taf et je serai accomplie de partout. Putain. 3 ans. Juste 3 ans pour réaliser tout ça, changer radicalement de regard sur moi et accepter, enfin, de me faire du bien. Ce bien que je n’avais jamais trouvé…
Hier soir nous avons regardé « Rendez-vous en terre inconnue », c’était Marianne James chez les Bagaus. J’ai été transporté. Ce village sur pilotis au milieu de l’océan. Ces hommes et femmes abîmés par la vie et qui ont bâti de leurs mains cet Eden… Quelques cabanes, la pêche pour unique horizon. Et la paix enfin trouvée de vivre en harmonie avec leur choix. Et leurs sourires et leurs joies de vivre. Ils ont ce qu’ils leur faut : un toit, du poisson pour manger, un travail, un minimum de moyens pour subsister, si peu, presque rien. L’essentiel...
Je me retrouve le cul entre deux chaises. La position est inconfortable. Un contrat à honorer pour un an encore, et puis ensuite l’inconnu, un rêve, une envie qui va diriger mes prochains choix et la difficulté de partir de rien. Rien de concret, juste une conviction, à l’intérieur, que c’est ça.
C’est bien mince. Et ça me fait flipper…
Qu’est ce qui me dit que c’est un meilleur choix qu’un boulot qu’on n’aime pas ?
Dans quelle mesure ce n’est pas un caprice ? Un truc qui me ferait vouloir le beurre et l’argent du beurre ?
Sûrement des restes de cette persuasion qu’on ne vaut pas mieux qu’un boulot de merde, qu’on ne mérite pas de se rendre la vie plus belle. Les autres ont le droit, moi non…
Je vais faire table rase. Mettre mon sac sur le dos. Puis sauter dans le vide en espérant que pendant cette putain de chute, le parachute va s'ouvrir histoire d'adoucir la descente... Je ne suis pas du genre casse-cou, je sais que je ne me jetterai jamais dans le vide si je ne suis pas certaine de la sécurité mise en place. Je sais que je ne fais jamais de choix au hasard. Je serai plutôt du genre à ne pas faire de choix plutôt que d'en faire la moitié d'un. Alors pourquoi ?
Pourquoi j'ai tant de mal à me faire confiance là-dessus ???