Le Père Abbé et le moinillon

Publié le 07 avril 2010 par Moinillon

« Un jour dans une abbaye, alors qu’il pleuvait, pleuvait, un jeune moinillon postulant prit la décision de quitter ses fonctions. La vie était trop dure dans le monastère. Trop austère pour qu’elle dure.
Après les matines et le petit déjeuner, le moinillon se prépare, fait sa valise, et demande au père Abbé une audience. « En fin d’après midi », lui dit-on.
Il va travailler à l’atelier, ne dit rien à personne… Dehors, il pleut, il vente, il fait froid. Le moinillon n’a qu’une hâte : quitter cet endroit !
Et puis la fin d’après-midi arriva. Il va dans l’antichambre du bureau du prélat et attend patiemment, un peu de peur au ventre… Pas si facile à dire qu’on a envie de partir.
Quand enfin il entre, le père Abbé est tout sourire : « Je t’écoute… »
Une heure durant, le moinillon raconte sa vie, ses doutes, ses envies, … puis finit par le dire : il souhaite quitter la robe et rejoindre au-dehors la vie qui, vue d’ici, se dérobe…
Le père Abbé a tout entendu, tout écouté, tantôt avec le sourire, tantôt inquiet.
Puis il prend la parole : « Je comprends tes envies, je comprends tes passions. J’ai écouté tes dires, jeune moinillon. Bien sûr, tu peux partir vaquer à d’autres occupations, tu nous manqueras c’est sûr. Je te demande une seule chose, ce sera ma condition. Attends pour partir que le soleil brille et que la pluie s’arrête. Attends qu’il y ait plus de chaleur, dans notre grande maison. »
Le moinillon prit acte de la décision et promit d’attendre la belle saison.
Mais quand la belle saison arriva… Le moinillon resta !
Trente ans plus tard il était encore là, lorsque le Père abbé a rejoint sa dernière maison.
Le moinillon, devenu moine, devint « Père Abbé ». Ce jour-là, dehors, il pleuvait, il ventait, il faisait froid…
Ce jour-là, le nouveau Père Abbé a écrit dans son journal : « Ne pense jamais que tes décisions ne dépendent que de toi. L’homme n’est qu’une partie infime de l’univers, ses propres décisions dépendent énormément de son environnement, et chaque environnement est compris dans un environnement plus grand… Tous ces environnements sont interdépendants, de "l’infiniment petit", à "l’infiniment grand" ! »

Emprunté à Yves Damécourt