Tzveta Sofronieva/Encore un de ces mots interdits

Publié le 07 avril 2010 par Angèle Paoli
« Poésie d'un jour
choisie par Cécile Oumhani

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ENCORE UN DE CES MOTS INTERDITS

Si tu n’étais pas un ange je t’aurais aimé
J’aurais avalé son corps, exploré le moindre recoin de la terre
Si tu avais un corps, alors tu serais beaucoup trop près,
Tu ne serais pas un ange.
L’oxygène brûle
Tu te brûles toi-même avec l’azote qui ne brûle pas
Les anges brûlent
Tu es brûlé par des êtres qui ne brûlent pas
Le pathos est en effet démodé
Le pathos et les anges s’accordent bien
Si tu n’étais pas un ange je t’aurais aimé rageusement
Comme les femmes aiment les hommes qui ne sont pas des anges
Les femmes agissent ainsi et recommenceront encore et encore.
L’azote liquide est toujours un défi
En fait, il est immatériel, il a des rides, se blesse,
Devient brouillard, devient vapeur, devient noir, va suffoquer
Languissant.
Ne disparaît pas.

Traduit par Sylvestre Clancier et Rufo Quintavalle
Janvier 2007



NOCH EINES DER VERBOTENEN WORTE

Wenn du nicht ein engel wärest hätte ich dich geliebt
deinen körper verschluckt millimetergenau die erde erkundet
wenn du einen körper hättest
zu nahe wärest du mir dann du wärest kein engel
sauerstoff brennt
man verbrennt sich an stickstoff der nicht brennt
engel brennen
man verbrennt sich an menschen die nicht brennen
pathos ist tatsächlich etwas altmodisches
pathos und engel passsen gut zusammen
wenn du kein engel wärest hätte ich dich geliebt
agressiv wie frauen männer lieben die keine engel sind
das tun die frauen und sie tun es wieder und wieder
flüssiger stickstoff ist immer eine zumutung
er ist nämlich kein stoff hat falten tut weh
wird nebel wird dunst wird finster wird ersticken
sehnsucht
verschwinde nicht

original poem in German, Berlin, 1999
first published in: Tzveta Sofronieva, Verbotene Worte, München, 2005.
© Tzveta Sofronieva


Още една остаряла дума

ако не беше ангел, щях да те обичам,
погълнала те да проуча земята до милиметър,
ако имаше тяло,
преблизко щеше да си ми тогава, нямаше да си ангел,
кислородът гори,
човек се изгаря от азот, който не гори,
ангелите горят,
човек се изгаря от хора, които не горят,
патосът е наистина нещо старомодно,
патос и ангели си отиват добре взаимно,
ако не беше ангел, щях да те обичам,
агресивно, както жените обичат мъжете не-ангели,
отново, и отново,
течният азот е предизвикателство,
не е въздух, има гънки, боли,
става пàра, мъгла, притъмяване, задух,
копнеж,
остани.

author’s version in Bulgarian, published in: Tzveta Sofronieva, Раз-познавания, Plovdiv, 2006.
© Tzveta Sofronieva


NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE



   Tzveta Sofronieva est née à Sofia en 1963. Elle a fait des études de physique et d'histoire des sciences et obtenu un doctorat en Études culturelles. Contrainte de quitter la Bulgarie, elle a vécu aux États-Unis puis s’est installée à Berlin, où elle vit actuellement. Elle a écrit ses premiers poèmes en bulgare. C’est seulement à l’âge de 28 ans qu’elle a commencé d’écrire en allemand et même en anglais. Sa rencontre avec la langue allemande n’est pas une rupture avec la langue maternelle. Son allemand d’adoption lui a permis au contraire de redécouvrir le bulgare, alors qu’elle était enrichie de son expérience interculturelle.
  Portée par une sensibilité à fleur de peau, Tzveta Sofronieva explore et met à nu nos ambigüités, nos attentes, nos espoirs les plus secrets. Sa poésie, nourrie par Rilke, Schopenhauer ou Comenius…, est une poésie lucide, ancrée souvent dans le quotidien. Y couve la passion d’un questionnement poursuivi envers et contre tout, entre la richesse de sa position au carrefour des cultures et la blessure de l’exil.
  Elle a été récompensée en 2009 par le Prix Adalbert Von Chamisso.
  Elle est l'auteur de plusieurs recueils poétiques comme Chicago Blues (anglais et bulgare), 1992, Gefangen im Licht (allemand et bulgare), Marburg, 1999. Certains de ses récits écrits en allemand ont été publiés dans les anthologies Feuer, Lebenslust! (Klett-Cotta, 2003) et Mein heimliches Auge 19 & 20 (Konkurs, 2004 & 2005). Elle a créé le réseau « Verbotene Worte » (Mots interdits) dont elle a publié une anthologie.
  Son dernier livre, Eine Hand voll Wassser, poésie, a paru en 2008.
  Un des textes qu’elle a écrits sur la situation en Bulgarie et sur les expulsions en 1989 est en ligne sur le site d’Arte.


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