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A l'abri de rien, le livre

Publié le 09 avril 2010 par Plume

« A l'abri de rien » : Olivier Adam parmi les ombres de Sangatte

Article fait Arnaud Lievin (Rue89)

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Des destins brisés. L'horizon. Là bas, l'Angleterre. Ils errent, fantômes accrochés à l'espoir d'une traversée. Eux, ce sont les Kosovars. C'est comme ça qu'on dit là bas. En fait, très peu de Kosovars. Des Kurdes, des Ethiopiens, des Iraniens, des Irakiens. Ils dorment dans des blockhaus, des chalets, dans le parc qui longe la grande allée. Ou près de la gare. Les flics les tabassent, les laissent à 50 bornes de là.

Marie a grandi ici. Elle les croisait souvent, les » Kosovars » . Pas un mot ni un regard. Un soir, alors qu'elle rentre avec Lucas, son fils, sa voiture tombe en panne en rase campagne. Une ombre surgit. Jallal vient l'aider. Il lui tend la main, attend un geste, un billet, une pièce. Marie ne comprend pas. Quelques jours plus tard, elle s'engage comme bénévole :

 "Je pensais et à l'horreur de vivre comme ça dans la crasse le froid la rue et le regard des gens, la honte, la terreur (…) J'ai pensé à leurs visages à leurs voix quand ils chantaient tard dans la nuit, une fois les verres descendus et la chaleur montée, à leurs yeux aux mots qui s'échangeaient après chaque repas, à la chaleur que c'était alors, à la vie qui battait malgré tout. »

Pour A l'abri de rien, son sixième roman, Olivier Adam se pose dans une ville fantôme hantée par des déracinés. Marie erre dans la vie depuis la mort de sa sœur Clara. Les réfugiés errent dans la ville depuis la fermeture de Sangatte. L'auteur explique :

 » Il y a quelques années, j'ai animé des ateliers d'écriture dans un lycée professionnel de Calais. J'ai été frappé par l'état d'extrême précarité : d'un côté, des clandestins livrés à eux même et de l'autre, des jeunes filles qui ne croient plus au futur. Il y avait quelque chose de l'ordre de l'état de guerre. »

Les personnages d'Olivier Adam sont en quête perpétuelle de sens. Dans » Je vais bien, ne t'en fais pas » (adapté au cinéma par Philippe Lioret), une jeune femme tentait de comprendre la disparition de son frère. Dans » Falaises » , son précédent roman, deux frères essayaient de vivre après le suicide de leur mère. Ici, Marie va se perdre, sacrifier les siens pour sauver les autres :

 "J'avais l'impression que mes enfants étaient désormais séparés de moi par une paroi de verre. Je pourrais toujours les regarder mais plus jamais les toucher ni leur parler. J'étais devenue étrangère. J'étais passée de l'autre côté. »

Adam ne triche jamais. Il écrit pour rester au monde, pour répondre à un sentiment d'urgence. Sa prose est traversée par la nécessité. Parfois, il voudrait disparaître, être ailleurs : "Je passe le plus clair de mon temps dans un état cotonneux assez étrange. La littérature m'a certainement permis de rester en vie » , confie t-il.

L'année dernière, il a quitté Paris pour la Bretagne, incapable de trouver sa place au sein du landerneau littéraire. Loin du cirque médiatique et du brouhaha de la ville, il poursuit une œuvre emprunte d'un profond humanisme. Ce texte, écrit sur un fil, sonne comme un hommage à des vies qu'il est bien commode d'oublier…

A l'abri de rien d'Olivier Adam - éd. de l'Olivier - 219p.,18€.

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Du même auteur :  » Je vais bien, ne t'en fais pas » (éd. Le Dilettante), » A l'Ouest » (éd. de l'Olivier), » Poids Léger » (éd. de l'Olivier), » Passer l'hiver » (éd. de l'Olivier), » Falaises » (éd. de l'Olivier). 

"Je vais bien, ne t'en fais pas » a été adapté au cinéma par Philippe Lioret, sorti en DVD chez Studio Canal.

Je vais le lire. Parce que la misère, elle est partout. Et pas si loin de notre porte. Il faut ouvrir les yeux, oui, vraiment.

 A l'abri de rien, le livre 


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