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Unexpected Meeting with Madame X

Publié le 09 avril 2010 par Kranzler

lana

A l’attention de Lana Turner,

Madame,

Je vous fais ce petit mot pour vous dire que je suis un imbécile. Je le savais depuis déjà un certain temps, mais hier soir, en vous regardant pour la première fois dans Madame X, j’en ai eu l’éclatante confirmation.

Dans les années 70, lorsque j’étais un fœtus adolescent, vos films passaient le soir à la télévision. Mais moi je vous ignorais, car mes préférences allaient vers Bacall, Marlène, Liz, Marilyn, un peu Greta – mais seulement dans la Femme aux deux Visages, car j’ai toujours trouvé que Garbo avait de grands pieds.

L’été quand j’avais seize ans on voyait de grands beaux films américains parfois tard le soir. J’ai souvenir de Soudain l’Eté Dernier une semaine d’août, et juste après le film j’ai remarqué un ver luisant dans le jardin de mes parents. Ah, l’hallucinant monologue de la Hepburn dans la scène d’ouverture, l’ascenseur, la serre, le maillot de bain de la Taylor, son écharpe de soie autour du cou.

Mais vous, rien. Je ne vous regardais pas. Ou bien alors, quand vous passiez à la télévision j’étais ailleurs, occupé à faire je ne sais quoi sur la plage. Tout ce que savais de vous était que le Facteur Sonne Toujours Deux Fois. Vous ne m’intéressiez pas réellement, j’étais trop axé sur les Rivières sans Retour et les Années de Réflexion – une passion dévorante.

Hier soir je vous ai vu dans Madame X. Un mélo. Le dernier de vos grands rôles, dans lequel vous vous déchirez à l’absinthe à Mexico. Par pure tristesse. Figurez-vous, Madame, que j’avais les yeux mouillés. Vous étiez complètement défaite, mais belle. Des fois, dans les films, on voudrait traverser l’écran pour rejoindre les personnages. Pour les aider, par exemple, quand ils sont dans la mélasse jusqu’au cou. Hier soir, j’aurais voulu aller de l’autre côté pour étrangler votre odieuse belle-mère, interprétée par Constance Benett. J’aurais assumé mes actes sans regrets. Benett n’avait-elle pas dit au sujet de Marilyn débutante « cette petite garce a son avenir derrière elle. »

Bref, un mélo pur jus dont je suis ressorti en trouvant la réalité triste comme un rouleau de papier hygiénique.

Pour conclure cette lettre, Madame, je voudrais que vous sachiez une chose. Vous m’avez tapé dans l’œil et je suis désormais disponible pour une passion dont vous allez être l’objet. Ayant vu tous les autres films des autres actrices, je vais me consacrer à vous tout l’été et rattraper mon retard. J’ignore encore comment j’ai pu passer à côté de vous si longtemps, et si stupidement.

Signé un admirateur tardif


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