« Un homme noble s’en fut en un pays lointain pour s’y gagner un royaume et revenir ensuite ».
Evangile selon Saint Luc, chap 19 ; verset 11
Je commencerai avec M. Zundel, ( L’Evangile intérieur ) parce qu’il est une ‘ référence ‘ qui fait autorité et parce qu’il dit 'simplement' l’essentiel :
« L’humanité est en péril de mort, parce que tous les problèmes – pédagogiques, économiques, sociaux, politiques – sont posés dans l’abstrait, en l’ignorance systématique de la question qui les éclairerait tous : Qu’est-ce que l’homme ?...
Chacun porte en soi quelque chose d’unique, avec la soif de connaître, de vivre et d’aimer. Chacun à sa manière est une fin : « Agis, dit Kant, de manière à traiter toujours l’humanité, soit dans ta personne, soit dans celle d’autrui, comme une fin et jamais comme un moyen » ( P20)
….
« Quelque chose de meilleur que nous, vit en nous. Quelqu’un nous accueille au plus intime de l’âme, et c’est une immense douceur de nous perdre en la lumière qu’Il diffuse en nous » ( P27)
« Comment reconnaître François d’assise ou Vincent de Paul, Catherine de Sienne… sans reconnaître Celui qui les remplit, sans tressaillir de joie en présence du Dieu vivant ?( P28)
Dieu est une rencontre que chacun doit faire en soi. Et, en vérité, tout être est croyant qui s’efface devant cet Autre en soi, qui vaut infiniment mieux que soi et qui lui est plus intime que son âme : quelque nom d’ailleurs qu’il donne à la Présence lumineuse qui l’habite.
« Dieu dit admirablement Louis Massignon, Dieu n’est pas une invention, c’est une découverte. »
" Tes sens ne peuvent pas le saisir, mais tu pressens que son Esprit est «le coeur de ton coeur et l’âme de ton âmeþ», disait saint Jean Eudes. Le mystique Maurice Zundel aimait répéter que Dieu est présence.
Cette présence invisible jaillit du contact de la prière et non d’un raisonnement. Pour Zundel, le grand homme est celui qui n’est pas accroché à son moi, mais qui
gravite autour d’une Présence et se dépasse dans les autres. Il donnait souvent cette prière en pénitence aux personnes qui venaient se confesser: «Mon Dieu, cachez-moi dans votre lumière,
rendez-moi transparent à votre présence et apprenez-moi à être le sourire de votre bonté.» Comment ne pas entendre le cri de ce grand priant qui a compris que Dieu n’existe qu’en se donnant:
«Quand comprendrons-nous que Dieu est une présence
brûlante au fond de nous-même ? Quand comprendrons nous que Dieu est la Présence la plus actuelle et la plus réelle, la Présence hors de laquelle on ne peut rencontrer personne»?
(Bernard de Boissière, France-Marie Chauvelot,Maurice Zundel, Presses de la Renaissance, 2004, p.29). "
Je continue en donnant la parole à Bertrand Vergely dans un petit livre qui est un bijou : « la Foi ou la nostalgie de l’admirable » :
« Dans la tradition chrétienne, le Christ exprime une double signification. Il est, d’une part, ce personnage historique, dont on nous conte la vie et la mort. Il est également ce que l’on appelle l’homme intérieur.
N’est-ce pas une forme de récupération chrétienne ? Si l’on ramène tout au Christ historique, en exigeant que le monde entier s’identifie à lui, certainement. Si, en revanche, on entend par Christ, le Dieu vivant, l’infini incarné dans l’homme, il en va différemment…
Chaque être humain est capable de découvrir l’infini qui se trouve en lui, pour peu qu’il rentre en lui-même. Alors, il fait l’expérience de découvrir non seulement sa propre personne, mais une personne infinie, incarnant la rencontre entre l’infini et la vie.
La rencontre de l’homme intérieur n’est pas un vain mot. Toutes les sagesses ont en parlé…
Selon Maître Eckart, l’œil par lequel je me vois et l’œil de Dieu sont une seule et même chose. En nous approfondissant, nous découvrons Dieu. Non pas que nous soyons Dieu. Celui-ci n’est pas une projection de nous-mêmes. Il est au contraire, librement, face à nous.
.. En faisant croire qu’il fallait devenir moral pour accéder au Christ, la morale chrétienne a dramatiquement inversé notre rapport à la morale. Comment accéder au Christ sans le Christ ?...
Ce n’est pas le Christ qui est un effet de la morale, mais la morale qui est l’épanouissement de l’homme intérieur.