Délit de sale gueule

Publié le 12 avril 2010 par Sophiel

- Dis Maman, t’as bien dormi cette nuit ?

De deux choses l’une : Soit le gremlin a un truc à quémander, soit il s’enquiert gratuitement de la qualité de mon sommeil. Je choisis la seconde option. Optimisme, quand tu nous tiens…

- Très bien, mon petit gremlin adoré, c’est gentil de t’en inqu…

- Ah ? Parce qu’on dirait pas, assène-t-il, l’air de rien, une main tendue vers la brioche home-made de Carrouf.

- Pas touche à MA brioche ! fais-je en lui tapant sur les doigts, puis, radoucie, dis-moi, gremlin affamé, cette remarque insinuerait-elle que, par le plus grand des hasards, tu ne me trouverais pas à mon avantage ce matin ?

- J’comprends rien à c’que tu dis. J’peux avoir de la brioche ?

J’hésite un instant à l’engloutir d’un seul coup sous son nez mais la vérification de mon apparence physique m’apparaît bien plus vitale.

D’une démarche nonchalante, je me dirige vers mon beau miroir, entendant déjà sa douce mélodie :

- Ô ma reine, de toutes les reines de ce royaume, tu es la plus… MAIS C’EST QUOI CETTE TRONCHE ?????

Miséricorde, tout y est ! Le cheveu terne et filasse, le visage bouffi avec la marque des draps incrustée sur la joue gauche, l’œil vaseux, le teint blafard moucheté de quelques rougeurs boutonneuses clairsemant ce visage qui n’est pas le mien, certes non ! Je ne peux décidemment pas sortir avec cette tête là !

- Tu peux emmener les gremlins à l’école, demande-je à Mr Gremlin.

- Désolé, j’ai une réunion à 9 heures.

- Oui, ben moi, je ne peux pas mettre la tête dehors !

- Pourquoi, t’es malade ?

- Regarde-moi !

- Oui… T’es jolie tout plein !

La dépression s’abat sur tout mon être…

- Bouh, ouh, ouh… Tu ne m’aimes plus, uh, uh…, ch’uis moche, oche, oche, ch’uis boutonneuse, euse, euse, ch’uis… T’AS UNE MAITRESSE !!! C’est ça hein ? AVOUE !

Mr Gremlin, qui doit être au bureau dans 40 minutes pétantes, se demande comment il va se débrouiller pour se sortir sans trop de bobo de cette situation affligeante sachant qu’il est maintenu contre le mur par une vampiresse l’étranglant avec sa cravate.

La vie de cet homme n’est pas aisée, aussi arrêtons-nous quelques instants et pénétrons dans son cerveau malmené par les névroses de son épouse :

« Bon, je fais quoi moi maintenant ? Si je lui dis qu’elle a effectivement une sale gueule, je m’en prends une. Si je lui dis que non, je m’en prends une. Ah mais c’est vrai qu’elle a un bouton sur le menton… A part ça, je ne vois pas trop de différences…

Une maîtresse ! Remarque, je pourrais si je voulais… mais m’en coltiner deux comme elle ! Comment ils font, tous ces hommes avec deux femmes ? Ils doivent avoir un de ces sang-froid… Ca force l’admiration…

Aie ! C’est qu’elle me fait mal avec son demi-muscle !

Ce qu’elle est compliquée quand même ! Ma mère, elle n’est pas si tordue que ça… Sa mère, si. Si je lui dis ça, on est partis pour la grande tirade familiale, et, la veille de week-end, ce serait très mal joué…

Bon, c’est pas tout ça, quand il faut y aller, il faut y aller ! »

- Ma chérie : Oui tu as une sale gueule ce matin, ça ne m’empêche pas de t’aimer, quoiqu’il y ait des jours... Non, je n’ai pas de maîtresse, tu comptes pour deux, et même plus ! Maintenant tu lâches ma cravate, faut vraiment que j’aille respirer bosser !

Avant de partir, l’homme s’adresse à son fiston :

- Mon fils, retiens bien ceci, c’est important pour ton avenir : Avec une femme, quoique tu fasses, tu joues, tu perds ! C’est mathématique...