On a tous l'image d'un Federer brillant, facile, qui n'aurait qu'à utiliser nonchalamment ses dispositions naturelles - un rentier en somme. A l'inverse, Nadal serait le laborieux, le travailleur acharné, celui qui a forcé le destin pour réussir – une sorte d'autodidacte.
La réalité est bien différente quand on sait que Federer n'a émergé au premier plan qu'assez tard si on le compare à Nadal. Aussi ne devient-il pro qu'en 1998 alors qu'il est âgé de 17 ans (contre 15 pour Nadal) et il doit attendre 6 ans pour remporter son premier Grand Chelem (contre 5 pour Nadal). Si Federer remporte finalement Wimbledon Junior en 1998 et participe à de nombreuses compétitions internationales, il n'occupe longtemps que les seconds rôles en s'inclinant en 1/8 de finale aux Petits As (Tournoi international des 12-14 ans) et en ne participant même pas à la Coupe Borotra (Coupe Davis des 14-16 ans) – compétitions que Nadal remportera assez facilement.
Les résultats se font attendre et le mental instable du futur champion ne l'aide pas – pleurs, cris et autres jets de raquette lui feront perdre de nombreux matchs. Mais le décès de son coach, notamment, lui permettra de transformer sa frustration en soif de vaincre et non plus en peur de perdre. A la maîtrise de ses nerfs s'ajoutera ensuite, par l'intermédiaire de Mirka Vavrinec, un contrôle total de son image qui en fera une machine à trophées et à millions. Le mental n'étant décisif que si l'on est sûr de sa force physique, Federer prendra progressivement l'habitude de travailler tel un forcené avant chaque début de saison, capable de s'entraîner jusqu'à 10 heures par jour sous la chaleur étouffante de Dubaï et ce pendant plusieurs semaines.
A la manière d'un Flaubert qui répétait inlassablement dans son "gueuloir" chacune des phrases de ses romans jusqu'à atteindre la construction parfaite, le rythme idéal, la sonorité adéquate, Federer a atteint la perfection par des années de privations et d'acharnement. Tant de travail accompli qui devrait permettre à Federer de ne jamais sombrer dans les travers habituels du tennisman: blessures (Simon), dopage (Agassi), drogue (Gasquet), Espagnol (Nadal), calvitie (Agassi encore), obésité (Kafelnikov), manque de style (Murray), bêtise (Leconte), divorce (Agassi toujours), come-back raté (Borg), laideur (Stepanek), ruine (Philippoussis), débardeur (Monfils), perruque/toupet (Agassi, décidément...).
Come on Roger!