La parole miséricorde recouvre plusieurs significations qu’il convient de préciser. Le langage courant l’identifie à la compassion ou au pardon : absolution, charité, grâce, pitié.
C’est une vertu qui porte à avoir compassion des misères d’autrui et à la soulager. Et donc à pratiquer, à exercer les œuvres de miséricorde. On dit d’une personne que « c’est un homme sans miséricorde : il n’a pas de miséricorde, envers personne, pour personne ».
Elle signifie aussi, la Grâce, le pardon à ceux qu’on pourrait punir. D’où, demander miséricorde, crier miséricorde, implorer la miséricorde du prince. Faire miséricorde.
C’est un des attributs de Dieu, synonyme de clémence envers les pécheurs. Le Nouveau Testament donne une place d’honneur à cet attribut : « Je veux la miséricorde et non pas le sacrifice » (Matthieu 9, 13). L’Ancien Testament peut donner l’impression, erronée pour qui lit les textes en se limitant à un seul, de dépeindre un Dieu avant tout juste et implacable. Le Nouveau Testament porte à son accomplissement, à sa perfection la Révélation faite dans l’Ancien Testament tout au long de 20 siècles, durant lesquels il fallait éduquer un peuple choisi par Dieu pour apporter le salut au monde entier.
Notre langage courant est sans doute tributaire du latin d’église, qui rassemble deux mots « misereri », avoir pitié, et « cor, cordis », le cœur. On désigne ainsi l’attitude profonde de l’être, caractérisée par la disposition d’amour et au pardon. La sensibilité à la misère et à la souffrance d’autrui est à une bienveillance fondamentale vis-à-vis du prochain. La miséricorde serait ainsi « avoir un cœur qui n’est pas insensible à la misère d’autrui ».
Mais cette identification risque de voiler la richesse concrète qu’Israël, en vertu de son expérience. mettait sous ce mot. Pour lui, en effet, la miséricorde se trouve au confluent de deux courants de pensée, la compassion, et la fidélité.
Le premier terme hébreu (rahamin) exprime l’attachement instinctif d’un être à un autre. Ce sentiment, d’après les Sémites, a son siège dans le sein maternel (rèhèm 1 Rois 3, 26, le jugement de Salomon), dans les entrailles (rahamin), - nous dirions ; le cœur – d’un père (Jérémie, 31,20 ; Dieu dit à propos d’Ephraïm : « mes entrailles s’émeuvent pour lui » ; Psaume 103,13) : « comme est grande la tendresse d’un père pour son fils »), ou encore le cœur d’un frère (Genèse 43,30 : Joseph ému de retrouver son jeune frère Benjamin) : c’est la tendresse. Et cela se traduit aussitôt par des actes : en compassion à l’occasion d’une situation tragique (Psaume 106,45 : « il eut un regard pour leur détresse alors qu’il entendait leur cri »), ou en pardon des offenses (Daniel 9,9 : « Au Seigneur notre Dieu, les miséricordes et les pardons, car nous l’avons trahi »).
Le deuxième terme hébreu (hésed), traduit habituellement en grec par un mot qui, lui aussi signifie miséricorde (elos), désigne de soi la pitié, relation qui unit deux êtres et implique « fidélité ». De ce fait, la miséricorde reçoit une base solide : elle n’est plus seulement l’écho d’un instinct de bonté, qui peut se tromper sur son objet et sur sa nature, mais une bonté consciente, voulue ; elle est même réponse à un devoir intérieur, fidélité à soi-même.
Les traductions françaises des mots hébreux et grecs vont de la miséricorde à l’amour, et passent pas la tendresse, la pitié, la compassion, la clémence, la bonté, et même la grâce (hébreu, hén) qui a pourtant une acception beaucoup plus vaste. Malgré cette variété, il est possible de cerner la compréhension biblique. Du début à la fin, Dieu manifesta sa tendresse à l’occasion de la misère humaine ; à son tour, l’homme doit se montrer miséricordieux envers son prochain, à l’imitation de son Créateur.
Je me suis inspiré et ai eu recours au « Vocabulaire de théologie biblique » (1964) surtout pour la signification des mots hébreux ; mais aussi parce que cet ouvrage donne de nombreuses références bibliques. J’y ai apporté un complément, car nous ne connaissons pas la Bible par cœur, et il nous est difficile de savoir ce qui est dit par Dieu dans ou tel passage de l’Ancien Testament. « Scripta manent » : les écrits restent : aussi ai-je ajouté le ou les versets auxquels renvoie cet ouvrage. Les mots frappent notre intelligence qui, par la réflexion, peut aider la volonté à guider nos actions selon les conseils de Dieu, à les faire passer dans notre vie quotidienne de croyants, et découvrir l’immense Amour, la Miséricorde infinie du Dieu Trinité, Père, Saint-Esprit et Fils.