À LA POURSUITE DU LAPIN BLANC
John Tenniel, illustration de l'édition originale d'Alice au Pays des Merveilles (Lewis Carroll)
Doux printemps.
J’en avais tellement oublié de vivre ces derniers mois que c’en devient presque culpabilisant de s’offrir autant de (menus) plaisirs !
Je m’en reviens donc en ces lieux pour un bref passage, le temps de vous conter quelques rencontres de saison.
Deux passages au cinéma, dans un premier temps.
Passages thématiques si l’on veut… puisque j’aurais presque pu passer ces deux séances sur mon « devoir professionnel ». J’extrapole quelque peu, mais ce sont deux adaptations littéraires de taille que je suis allée voir. De taille par la reconnaissance des chefs-d’oeuvre originaux… de taille également par les productions qui en découlent.
Le premier, tant attendu depuis des mois, fut bien sûr Alice au Pays des Merveilles. Nul besoin de vous rappeler mon attachement particulier à cette oeuvre majeure de mon enfance… Non seulement parce que je porte le même prénom que l’héroïne, mais également parce que les aventures d’Alice ont toujours eu résonance en moi. Je les ai longtemps portées, synonymes de rêveries, de douces folies… sous les traits de cette blondinette espiègle.
Si par les temps qui courent il est de mise de dénigrer l’oeuvre de Lewis Carroll, de ne lui prêter d’intérêt, voire de cracher dessus littéralement, comme j’ai pu le lire un peu partout… Et bien de mon côté, je lui reste très attachée.
Bien sûr, cette adaptation faisait grand bruit depuis des mois ! On attendait avec impatience le nouveau Burton comme on aurait attendu le divin enfant… et pour ma part, comme je m’y attendais, ce n’est pas du petit-lait que j’ai bu lorsqu’enfin l’heure de la séance a sonné.
Je m’attendais à être déçue. C’est toujours comme cela… Plus on attend et plus la déception est lourde. Surtout quand on apprécie un artiste… Alors, pour ne pas être trop mauvaise langue non plus, je peux vous assurer qu’effectivement, j’ai passé un bon moment de cinéma, que le divertissement n’était pas mauvais… Mais cela manquait fortement de substance. De folie – contrairement à l’apparente folie décadente des personnages, c’était somme tout assez fade… Je me suis même surprise à trouver le film glauque et froid. Et la 3D ! Oh, est-il besoin que je vous conte mon amère expérience ? Je ne le crois pas ! C’est une histoire de goût n’est-il pas ?
Adèle Blanc-Sec (Tardi) vs. Adèle Blanc-Sec (Besson - Louise Bourgoin), 2010
Le second, moins attendu – parce qu’à vrai dire je n’en avais pas du tout entendu parler, ou si peu, avant sa sortie : l’Adèle Blanc-Sec de Luc Besson. Si les aventures de la pétillante rousse imaginée par Tardi m’ont un temps séduite, autant le réalisateur du Grand Bleu et autres grosses productions n’avait pas grand espoir de m’amener dans les salles obscures. Ce film aura donc eu cet heureux/malheureux ascendant sur moi.
Une fois de plus, je ne peux rien reprocher à la distraction. D’autant plus que je suis, avouons-le, d’une nature très compréhensive en matière de cinéma – sachant que je ne vais pas non plus voir tout et son contraire, vous l’aurez compris ! On ne s’ennuie pas… Louise Bourgoin est un délice pour les yeux… et les effets spéciaux (notamment ceux du ptérodactyle) sont intéressants. Sans parler des images de Paris que j’ai eu plaisir à découvrir sous cet angle début de siècle… Redécouvrir le Louvre sans sa pyramide, les alentours du village Montmartre et ses moulins… Bref, du bon.
Mais sinon… non, je n’ai pas accroché à l’ensemble. Bien que validé par Tardi lui même, ce projet ne correspondait pas vraiment à l’idée que je me faisais d’Adèle, prenant à l’écran un sentimentalisme qu’il m’a été assez difficile à supporter. (Et pourtant, s’il y a quelqu’un de sentimental – à l’eau-de-rose-d’un-autre-temps – ici, c’est bien moi ! Mais là non, ça n’allait pas à Adèle…) Et puis, j’ai été dérangée par certains éléments « fantastiques »… qui passaient très bien en BD, mais deviennent beaucoup plus indigestes à l’écran. Je pense entre autres à la représentation des momies… qui j’en suis désolée ne s’intègrent pas bien au film et nuisent (selon moi) à son unité et à son acceptation.
En bref, je ne déconseille pas… mais vous aurez compris que ces adaptations n’ont pas vraiment retenu mon attention outre mesure.
Une exposition, enfin.
L’affiche m’avait séduite. Mieux : elle m’avait donné l’eau à la bouche. Si bien que je n’ai pu me retenir bien longtemps et que je me suis ruée au Musée Jacquemart-André dès que j’ai pu le faire !
L’intitulé ? « Du Greco à Dalí : les grands maîtres espagnols de la collection Pérez Simón ».
Je ne m’étais jamais rendue au Musée Jacquemart-André. Ce fut donc l’occasion rêvée d’y faire un saut. Vacances de Printemps, un mardi, jour où tous les musées parisiens (ou presque, l’exception à la règle faisant foi) sont fermés… Je vous dresse directement le tableau de cette visite qui m’a vivement fait bouillir (à l’instar de ma main ce matin, punition ?)… L’arrivée à la station Miromesnil se fait sans encombre… après avoir traversé la totalité de Paris en un temps record grâce à la ligne 14 (ma grande amie !). Petite mise en jambe sur les grands boulevards… pour arriver au musée devant lequel une petite horde de visiteur fait le pied de grue. Voici donc que je m’intègre dans la file d’attente… Pour un bon quart d’heure – pas si désagréable que cela d’ailleurs, étant donné la douceur du climat parisien ce mardi ! Vient le moment où enfin on nous propose d’avancer… pour se retrouver dans une nouvelle file d’attente, à la billetterie ! Quarante-cinq minutes plus tard, voici donc que, munie du précieux sésame – hors de prix (selon moi, toujours), mais c’est le lot des musées privés – je découvre le bel hôtel particulier, écrin du musée. Agréable, voire même très agréable. Là je me dis que j’ai bien mérité mes 45 minutes d’attente. Entrée dans le musée… très chouette endroit, ceci étant dit en passant, mais qui n’attire pas plus que cela mes yeux (je n’ai jamais été fana de mobilier ancien, de portraits ni même de tapisseries)… et je me rends directement à l’étage, empressée de découvrir les toiles !
Et là, ô, rage, ô, désespoir… (ô vieillesses ennemie), il faut une fois de plus attendre. Ne perdant patience, je me plais à vagabonder dans le « musée italien », qui dispose d’une magnifique collection florentine, pour ne citer qu’elle.
De retour dans la file d’attente, on essaie de nous refourguer des audioguides. Et là, le cauchemar commence vraiment ! Bien sûr, nul besoin une fois de plus de vous dire que je n’ai pas désiré être munie de ce gadget… La technologie a du bon, mais j’aime parcourir les expositions à mon rythme, selon mes envies, et surtout, sans avoir à me coller quoi que ce soit sur les oreilles !
Sans épiloguer outre mesure… vous aurez donc compris que la majorité des visiteurs avaient leur oreille collée à l’audioguide – réglés pour certains sur la fonction « main libre » (ben oui, c’est mieux d’écouter à plusieurs)… difficile cacophonie… désagréable, et augmentée par le gros problème occasionné par l’audioguide : l’effet poireau. Mais un poireau qui se croit tout seul dans le musée, qui te marche dessus, se poste devant toi quand tu lis… répond au téléphone… et gène tout le monde. Une horde de visiteurs statiques devant (certaines) oeuvres… délaissant totalement les toiles en soi pour ne s’intéresser qu’au contenu attractif du guide-de-poche.
Ô quel dommage ! Car pourtant les oeuvres présentées étaient d’une grande richesse ! Nombre de peintres de génie, étalonnés de salle en salle selon une muséographie thématique assez plaisante.
Julio Romero de Torres, Portrait de femme, Vers 1925-1930. Huile sur toile, 62,2 x 52,1 cm. Collection Pérez Simón, Mexico © Fundación JAPS © Studio Sébert photographes
Pour mon plus grand plaisir, j’ai découvert et (re)découvert de nombreux artistes… le portrait ci-dessus est l’un des exemples qui m’ont le plus marquée, mais je n’ai bien sûr pas été de marbre devant les coups de pinceau d’un Hermen Anglada Camarasa, d’un Ribera, d’un Dario de Regoyos, d’un Sorolla, d’un Federico Godoy, d’un Madrazo, d’un Zuloaga, d’un Tapiès, d’un Gris, d’un Dalí, etc… Bref, du bonheur pictural et culturel à l’état pur (j’ai beaucoup appris sur la peinture espagnole), gêné (mais au stade ultime) par la circulation difficile dans les salles, le manque total de savoir vivre des visiteurs, le bruit, et le personnel quelque peu glacial.
La Feria Valencia, Hermen Anglada Camarasa, 1907
Je conseille donc absolument cette exposition, avec un énorme bémol quant à ces divers problèmes contés ci-dessus. Vous pouvez la voir jusqu’au 1er août.
Et pour vous retenir encore un instant… je voulais mentionner le nom d’un artiste qui a retenu mon attention, exposé dans une galerie non loin du musée Jacquemart-André : Olivier Geffard. Les deux toiles exposées en vitrine m’ont séduite et je tenais à clore ce long-et-difficile billet par cette petite touche de fraîcheur !
A la prochaine !