Le bâtiment sans ombre a bougé ce matin. J’attendais le lever du soleil pour flairer la solidité des choses revenues, mais le bâtiment sans ombre a bougé durant la nuit.
Colonnes inversées, et danse des fragments de pierre, sa sarabande ne m’a pas réveillée.
Le silence a régné.
Devant moi, ce matin, un nouveau monde brumeux et approximatif que je regarde de la fenêtre, traçant un chemin différent de ma mémoire pour retrouver le lever du soleil. Quelque part au-delà de la vision, l’ombre va à son tour prendre forme, prendre corps, prendre de toutes ses forces la réalité et la violer. Choses et gens seront en fuite, moi devant, moi épuisée de courir. L’univers de la nuit a été violent, je le sais au goût du sang qui tache mes dents. Mais le bâtiment a bougé, nouveau labyrinthe de mes fantasmes, et à la nuit tombée il sera de nouveau là, sans ombre, masse de pierres qui dans le noir ressembleront à des os, cadavre immense aux jambes énormes et figées, idole dont je tairai le nom. Jusqu’au matin.