Amis des bêtes et amoureux des belles choses, les Bad Camels se devaient de revenir sur un groupuscule puissant mais trop souvent raillé par ses contemporains, que l'on a coutume de désigner sous le terme de "services IT".
En habitués des open-space et des bureaux Haussmanniens, vous n’avez pas manqué de remarquer le talent de "ces messieurs de l'IT" pour se distinguer de la plèbe corporate. Au premier coup d'œil, aucun doute n'est permis… couleurs abjectes, avant-bras dénudés, be-bop au ceinturon et médaillon apparent... le battle-dress est parfait, ils sont de l'IT. Ces hommes, que tout prédestinait à la transparence, ont choisi de ne pas l'être, de résister aux pesanteurs sociales et comme d'autres factions rebelles avant eux, ont adopté un style vestimentaire résolument personnel et décalé.
Ne vous fiez pas à l'apparence incohérente de leurs toilettes, elle s'inscrit dans une longue tradition stylistique de révolte. Des années Woodstock, ils ont conservé les étoffes pastel et les motifs exubérants, comme pour mieux moquer la noirceur des costumes de leurs congénères, de Lénine un goût exagéré pour les moustaches et de la décennie punk les accessoires virils et métalliques... Les chaines et bracelets de force ont laissé place à des gourmettes brutes et massives… Les services IT, la révolte au cœur de l’entreprise.
Progressivement, la lutte se structure et les codes se durcissent. Les juniors ne se permettent plus le fameux combo chemisette jaune / costume vert bouteille qui a fait les belles heures du mouvement. Il est réservé aux sages, ceux qui on fait Mai 68 et connu Arpanet, les initiateurs. Un temps, on a bien pensé que les choses se calmaient avec cette génération maudite, nourrie à l’Amstrad et à la Sega… Baskets blanches et bananes en nylon furent ses principaux apports conceptuels, le temps de la réconciliation en somme. Avec les années 2000 et l’explosion d’Internet, la rébellion retrouve sa vigueur d’antan… Pour preuve, l’attitude des plus jeunes qui se réapproprient les codes… les bordeaux pailletés, les marrons brillants prennent le pas sur les verts pâles, jaunes poussins et autres saumons de leurs aînés. Les plus dandys poussent même jusqu’à ce fameux coloris pétrole que les russes affectionnent tant.
Leur stratégie de dissuasion semble avoir fonctionné à merveille. Les IT guys, avec leurs chemisettes, ont vérolé les systèmes d’organisation pour se rendre indispensables sans rien concéder à leurs idéaux. Ils sont toujours aussi incompétents, débonnaires et continuent de rire de vous en quittant leur poste à 16h30.
Aujourd’hui, avec l’apparition de chevalières à initiales, de chaussures à bouts carrés et de pinces à cravate dans les derniers sacrosaints temples du bon goût, j’en viens à douter. Quel sera la prochaine étape ? Auraient-ils gagné ? Se dirige-t-on vers une société ou ne rien foutre en chemisette violette sera la norme…
Un droite-gauche stylistique rédigé par René.