Dernièrement, Benoît XVI a dénoncé « la dictature du conformisme ». Bien sûr, ce type d’annonce ne me laisse pas indifférent… Je reprends la citation, dans son contexte, celui du scandale des prêtres pédophiles :
“Je dois dire que nous, les chrétiens, y compris ces derniers temps, nous avons souvent évité le mot pénitence, qui semblait trop dur. Actuellement, sous les attaques du monde qui nous parlent de nos péchés, nous voyons que pouvoir faire pénitence est une grâce et nous voyons combien il est nécessaire de faire pénitence, c’est-à-dire de reconnaître les erreurs de notre vie“.
“La douleur de la pénitence, c’est-à-dire de la purification et de la transformation, est une grâce car elle est un renouvellement, elle est l’œuvre de la miséricorde divine“.
“Aujourd’hui, grâce à Dieu, nous ne vivons pas sous des dictatures, mais il existe des formes subtiles de dictature."
“le conformisme qui oblige à penser comme tous les autres, à agir comme tous les autres, ainsi que l’agression subtile - ou moins subtile – contre l’Eglise“.
Employer des mots comme : « douleur, pénitence, purification et transformation » me semblent enfin appropriés. Ils pourraient, également, clore un chapitre dans lequel l’Eglise a cru bon d’exceller, celui de la morale ; alors que le XXI siècle a soif de spiritualité… La pédophilie de quelques prêtres, revient tel un boomerang, avec la complaisance des médias et de l’opinion publique ... !
Lutter contre le conformisme ambiant, a fait le quotidien de Jésus.
Jésus, est ‘ un signe de contradiction « ( Lc 2, 34 )… Ce qui fut encore le cas au temps de Saint-Paul. Effectivement, la vie chrétienne appelle à « résister au prince de ce monde », car comme dit St-Paul, nous ne devons pas conformer notre âme et notre esprit à ce monde …
Ensuite, de quoi est faite notre histoire ? Il semblerait que pendant des siècles, la liberté d’expression fut bâillonnée par des États, des institutions, des Églises. En France, durant les périodes les plus sombres de l’Ancien Régime, l’Église et l’État se donnaient la main pour étouffer toute velléité d’expression émancipée des dogmes. Au XVIIe siècle, Descartes se sentit contraint de ne point rendre publique son approbation des idées de Galilée. En plein XVIIIe siècle, le chevalier de La Barre fut exécuté pour crime d’impiété : il n’avait pas salué le passage d’une procession. Les totalitarismes du XXe siècle - fascismes, nazisme, communismes - ont poussé la guerre contre la liberté d’expression jusqu’à un point encore jamais atteint.
Aujourd’hui, alors que la République a du imposer à l’Eglise-institution, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, qu’elle ne conteste plus, au contraire … Où, se situe l’anticonformisme ?
A mon avis, il est là où la pratique de la liberté d’expression dérange. Et, je lisais dernièrement cette formule : « La liberté de déranger , suppose la capacité de se laisser déranger » Etre tolérant, c’est accueillir et accepter de se laisser déranger… De plus, le conflit des idées, est le socle de la démocratie.
Plus lexicalement, Le conformisme est le fait de se plier a un mouvement, a un mode de vie générale qui fait tourner la société, ou un groupe ( la famille par exemple ) … L’espace public s’étant libéré des tutelles religieuses, le christianisme a perdu son pouvoir d’imposition sur les individus, son pouvoir politique (par la sécularisation ). Nous passons heureusement d’un catholicisme par conformité sociale à un christianisme par choix.
Le défi actuel est de faire la place aux groupes « convictionnels », dans l’espace public
A mon avis, la laïcité ne devrait pas faire le choix de supprimer « le religieux », de l’espace public ( ce n’est pas viable …). Cet ancrage religieux est précieux pour l’intérêt même de la ‘ chose publique ‘.
« La fin du christianisme comme pouvoir, c’est une formidable possibilité de réinvention d’un christianisme libéré du cléricalisme. En s’appuyant sur tout ce que le christianisme offre comme structuration symbolique et identitaire pour l’individu, comme capacité de décentrement par rapport à l’esprit du temps, comme dimension éthique d’engagement solidaire, on pourrait redécouvrir son potentiel libérateur dans une ultramodernité qui tend à sacraliser le présent …
C’est en particulier le cas du politique et du religieux et des rapports qu’ils entretiennent comme Marcel Gauchet l’a très bien analysé. Si, comme il le précise dans un récent article , « la croyance religieuse est en train de cesser d’être politique » et « la croyance politique est en train de cesser d’être religieuse », c’est bien dans un nouvel âge de la politique comme du religieux que nous sommes entrés. » ( Voir le Projet du CERAS )
Avec Benoît XVI, je revendique cette possibilité « d’anticonformisme », et à commencer dans l’Eglise, pour qu’ensuite notre présence dans la société soit encore plus légitime … !