Lieu : Maison de Victor Hugo - Paris
du 26 Mars 2010 au 4 Juillet 2010
La critique EVENE par Julie de la Patellière :
Construction fantasmatique d’une Europe en pleine Révolution industrielle, l’Orient fait fureur au début du XIXe siècle. De Chateaubriand à Lord Byron, de Delacroix à Baudelaire, c’est le même Orient abasourdi de soleil, noyé dans les vapeurs du bain et les fumées du "kief", plus sensuel, plus libre, plus heureux que la vieille Europe corsetée. D’aucuns reprochent à la jeune avant-garde de choisir là un bien mauvais sujet. La célèbre préface des ‘Orientales’ de Victor Hugo proclame alors la liberté d’un "livre inutile de pure poésie" et jette les bases d’une nouvelle modernité artistique. Pourtant l’écrivain n’a jamais visité l'Orient. Peu importe. Cette terre est avant tout un long rêve, le souvenir entêtant d’une vie vécue avant. Les parfums y sont lourds, l’azur immobile, et les chairs alanguies se pâment longuement comme le vent indolent qui meut le feuillage des arbres. L’exposition de la maison Victor Hugo parvient à retracer très clairement les différentes étapes de cette fiévreuse obsession. Les compartiments de couleurs chaudes isolent les femmes captives au harem, et les guerriers sauvages, nous invitant à leur rendre visite individuellement. Fluide et naturel, le passage du texte (présenté en extraits aux murs) aux tableaux s’opère en un seul coup d’oeil, le temps d’une ruade de cheval, d’une cascade d’or, du flottement d’un voile. Rêveries de sang, reflets d’argent, dômes bleus et nudités : l’Orient romantique n’est pas une réalité mais le travestissement idéal d’un imaginaire en quête d’ailleurs. La magie du portrait exotique offre la possibilité d’un miroir inversé, dépaysant… avant qu’il ne s’éloigne : "Devant le sombre hiver de Paris qui bourdonne / Ton soleil d’Orient s’éclipse, t’abandonne / Ton beau rêve d’Asie avorte, et tu ne vois / Sous tes yeux que la rue au bruit accoutumée / Brouillard à ta fenêtre et longs flots de fumée."