Syndrome d'immunodéficience acquise

Publié le 01 décembre 2007 par Anaïs Valente

Ça a dû être un de mes premiers sujets d’élocution.  Vous savez, ce moment monstrueux où l’élève se retrouve seul face à 29 paires d’yeux, à tenter de les captiver, à tenter de réciter son texte en donnant l’impression de ne pas le réciter.
Les sujets médicaux ou sociaux ont toujours eu ma préférence : l’affaire du sang contaminé, la dictature de Ceausescu en Roumanie, le divorce et ses conséquences psychologiques pour l’enfant, et le syndrome d’immunodéficience acquise.
On en parlait à peine que j’en savais déjà tout, ou presque.  Du moins ce qu’on pouvait en savoir à l’époque : propagation, symptômes, traitement, espérance de vie.
Vingt ans plus tard.
La science a évolué.
Pas les mentalités.
Une jolie campagne se propage telle une épidémie en Belgique :  « C’est l’exclusion qu’il faut exclure. Pas les séropositifs. »  Dans la lignée de la campagne française, les belges « célèbres » s’interrogent.
Alors, moi aussi, je m’interroge.  
Et si j’étais séropositive, oserais-je le dire, le crier sur les toits, l’assumer, envers et contre tout, envers et contre tous ?
Aux clients, je ne dirais rien.  Des fois qu’ils refusent à l’avenir de me serrer la main.  Des fois qu’ils refusent que je traite leurs dossiers.  Des fois qu’ils refusent de me parler au téléphone.  C’est bien connu, le SIDA, ça colle au corps.
Aux collègues, je ne dirais rien.  Des fois qu’ils ne m’offrent plus l’habituelle frite mayo de leur cornet.  Des fois qu’on me réserve des WC pour moi rien que pour moi.  Des fois que je n’aie plus droit au bisou du matin.  C’est bien connu, le SIDA, ça colle à la peau.
Aux amis, je ne dirais rien.  Des fois que je décèle du dégoût dans leur regard.  Pire, de la pitié.  Pire encore, de la peur.  Des fois que tout d’un coup, je n’aie plus ni amis ni amies.  C’est bien connu, le SIDA, ça colle au cœur.
Aux voisins, je ne dirais rien.  Des fois que des palissades s’érigent.  Des fois que les volets se ferment.  Des fois que les regards se détournent.  C’est bien connu, le SIDA, ça colle à la vie.
Non, en 2007, si j’étais séropositive je n’oserais le dire.