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Ouroboros Le billet de Nestor

Publié le 26 avril 2010 par Angèle Paoli
Le billet hebdomadaire de Nestor (26)

OUROBOROS
      Pal des néons désaltérant les pupilles, comme à regret, la préhistoire du froid se laisse exhumer, les sillons grésillent, dans la rougeur de sa couche la gueuse lentement ajuste ses bas de soie, l'ordre règne sur les coupoles des villes pâles, sangs juste séchés, seuils et pitances, souches et levées, le sens de l'Histoire et le sexe des anges servent de prétextes toujours indécidables...
Déferlantes rances, rides et rites, brûlures, trafics, persévérance de rouilles, griffures d'essors, bâillements androgynes, l'aube lourde de crues se fait plaisir toute seule, tu danses sous le profil intact des Flagellants, now is forever, d'ailleurs tu n'iras pas, tu n'iras plus, laquelle des figures de leurs retours l'emportera , tu t'en moques, sourire dépecé à l'arme blanche, poignets alanguis sous le sort, sillages à cracher sur l'anathème, ou ses contraires, il neige déjà sur la dernière des attitudes, toutes les bavures du monde n'y feront rien, puisque toujours tu y es, avec le mutisme de tes délits, l'autodafé de tes transhumances, devant ces foules sans regard presque, enfin laissant faire les gestes las, l'écran qui se farde, les nuits mordues aux lèvres jusqu'au blanc, jouissant des trêves, des soudures, des plis de cire, loin, si loin de leurs déserts licites, les parois tremblent, le crime parfait enfin rôde sous les cernes, demain n'est plus que l'urgence de cette proximité à marteler, fauconnerie d'haleines buissonnières, égarement de l'eau sous l'Image...
Chaque fois que tu y goûtes, tu te dis que c'est comme si on sut qu'il fallait couronner tout ce qui en cette heure te condamna, puis retourner le gant... Ce qui te fut volé ira vers qui blesse, parfums d'arrière-garde, bris des saisons en leurs volières, voisinage de jasmin, de branches sèches... Toi, tu fermes les yeux, coules en toi, aiguises à ta propre obscurité ces leurres lucides, tends la corde du jour dessaisi comme un arc pour toucher l'avenir et l'entraver ; mais il n'y a pas de cible, rien en face à couper, ébranler, tout croule comme cette ville de sable au premier assaut de la pénombre, non pour s'y dissoudre, mais pour rejoindre cet océan qui s'appesantit sur ce qu'en vain ils baptisèrent...
L'enfance enténébrée s'efforce à ressembler aux fruits d'hier, redurcis ― dès que s'égare en nous cette forêt qui soudain croise ses arbres, rancune des poings serrés, silence aux nus pieds, neige entravée, parole jamais dite...
Le grand miroir tressé d'air guérit tes dieux du sommeil, du fiel et du fruit, de l'attente et de ses escortes, guettant les Tartares, démêlant l'heure, sachant déjà qu'il nous faudra hériter, recommencer...
L'incernable, à portée de vue. Des chiens fous lapident ta taille. La dispersion tangue. L'essaim haletant brûle les langues jusqu'à l'aigu. Les rafales se terrent. Les mandibules élaguent l'essor à vif. Dans la lumière pénitente, les crues s'amassent lentement, n'espèrent que cette récolte à flanc de nuit, ses scories, puis rien. Personne qui veuille du regain qui accueille et détourne, dedans le don des poignets. La peur a changé de camp. Les Jeunes ne reprendront plus la besogne. Tu les regardes tarir un à un, sachant qu'on ne part pas, séparé par le seul enclos aux figures éteintes.
L'insomnie tourne. La rétine coupe la décharge, s'achève dedans l'acide. L'embuscade de l'enjeu ne se presse plus aux vitres. Les maladresses sans traits bifurquent aux revers du soir. Sous le double éclairage, les parodies rutilent, le venin étend son emprise, tout est prêt pour l'Autre. Loin des gestes qui, de partout, investissent tes villes, le mal gravir, en ces proximités du vent rare,
à qui le silence, même acéré, ne fait rien.
Le monde n'est plus libre de te reprendre. Pas même l'argile absente, que l'on disait à ta place ressurgie, au lieu du secret. Tout est jouet. Tout, même cette dépouille préfigurant, souveraine, leur mélange.
Elles ne te déploient jamais. Leurs nuques assourdies n'ourdissent aucune bruine. Par les rues sans traces, seuls leurs gestes sûrs recomposent l'heure voilée. Nul défi. L'ensablement suffira pour que, léché par leur chaleur, peuplant chacun de leurs vestiges, tu guettes au soir, tapie aux faîtes des hautes braises, la Proposition fabuleuse.
Les roues, si loin déjà, libres infiniment. Le guet s'est refermé sur toi sans bruit, avec l'agilité de la foudre dissoute. Celle qui t'a recueilli ne paraît plus. Tu t'es tu en elle, en son orée cabrée, aride. Mais de trop loin, trop longtemps, peut-être. Et si tu restes, c'est de ne même plus savoir qui t'enchaîne à cet inaltérable territoire où, très lentement, de déboisements en accalmies, tu te dépeuples.
André Rougier
D.R. Texte André Rougier


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