À la même heure, Ghada était chez elle dans l’appartement. Elle faisait du ménage, accompagnée de sa meilleure amie Salma, qui bavardait plus qu’elle l’aidait. Cette dernière, avait des soupçons concernant la métamorphose progressive de son amie qui remontait à des mois. Elle lui parlait de tout et de rien, mais l’observait minutieusement en cachette. Après une bonne demi heure, Salma saisissait le portatif de Ghada et s’asseyait sur le canapé, tout en suivant sa copine, nettoyer la poussière cumulée sur les vases décoratifs.
- Alors comment va ton époux ?
Sans lever la face, Ghada murmurait.
- Très bien.
Elle ouvrit MSN et continua en tapant son mot de passe.
- Et ta vie sexuelle ?
Ici, Ghada prit la peine de hocher sa tête et ajouta d’un air embarrassé.
- Je ne suis pas tenue de te parler de ça.
- Je te parle de tout moi. Dit Salma, en souriant.
Ghada, mit ses mains autour de sa taille et poursuivait.
- À part l’unique fois où t’as fait l’amour avec ton premier copain, tu ne l’as jamais refait.
Salma posa doucement le portatif sur la table ronde et répondit en croisant les jambes.
- Ben non, pas que cette fois-ci. Et comme fière, je l’ai fait avec Kamel.
Ici, un rire persiflant emporta Ghada, qui poursuivait en s’approchant d’elle de deux pas.
- Avec Kamel ? il est homo.
- Et alors ? puis en sautant du canapé comme une acrobate, enfin, pas amour au vrai sens du terme, mais on a flirté ensemble, et pour moi ça s’appelle amour.
Voulant la taquiner, Ghada continua.
- Je suis prête à parier qu’il t’embrassait en fantasmant sur un mec musclé…
Extrêmement dégoutée, Salma reprit.
- Épargne-moi les détails s’il te plait. Et en fermant les yeux pour revivre l’instant romantique, il a des lèvres, plus douces que celle d’une fille.
Avec un grand sourire, Ghada lui coupa la parole.
- Comment t’as su que ses lèvres le sont ! et d’un ton rusé, à moins que t’as essayé avec une fille.
Les joues tellement rouges, Salma s’asseyait de nouveau et dit d’une voix frustrée.
- C’était une seule fois, avant ma cousine.
- Oh ! inceste.
- Arrête, connasse ! dit-elle en riant, c’était à l’époque où je sortais avec mon premier copain, et comme je n’avais pas d’expérience alors ma cousine était volontaire pour m’apprendre à embrasser c’est tout.
Ghada, sourit tendrement et continua en s’asseyant prêt de son amie.
- Et ta cousine, elle est lesbienne ?
- Mais non ! cria Salma, en la tapotant sur son épaule, elle aussi voulait s’entraîner à embrasser. Puis en s’accoudant sur un petit coussin, bon c’est très vieux et ça remonte à mon adolescence, et sans la quitter d’un regard inquiet, parlons de toi plutôt.
Ghada, secoua les épaules et dit.
- Je n’ai rien à raconter.
Salma, ouvrit une fenêtre sur face book et continua d’une voix très basse.
- Ce n’est pas digne d’une fille de bonne famille, ce que tu fais ma belle.
Les poings serrés, Ghada devenait cramoisie et s’écria, au bout des nerfs.
- où tu veux en venir ?
D’une allure très sérieuse, Salma continua en cliquant sur une vidéo.
- Ça devient très voyant.
Énervée, Ghada lui arracha le portatif, et hurla.
- Tu vas cracher le morceau ou pas ?
Salma, poussa un souffle furieux et s’écria à son tour.
- Je parle de toi et de Béhéeddine, ma jolie.
Ghada, ouvrit un œil glacial et s’écria.
- Il n’y a rien entre moi et cet homme.
En la tenant par les deux bras, elle le secoua à maintes reprises comme tentative d’éveiller sa bonne conscience et s’écria.
- Écoute, si tu n’étais pas ma meilleure amie, je m’en moquerais, mais ce n’est pas le cas ! et d’une voix gênée, il y a un employé dans mon agence qui te connaît bien et qui t’as vu l’autre jour avec lui, dans une cafétéria à rue de Paris.
Perturbée, elle tourna la tête pour éviter le regard blâmant et balbutia.
- C’était…c’était concernant ma belle mère, son soi-disant ami, qui joue au détective, l’a localisé dans une maison de retraite à Djerba.
Elle alluma une cigarette et releva la tête en exhalant longuement la fumée par le nez.
- Ah c’est bien ! et quand est ce que tu comptes faire sa connaissance ?
En empruntant le paquet de cigarettes à son amie elle poursuivait à demi voix.
- Je n’ai pas encore y réfléchi.
Salma lui arracha le paquet d’un geste violant et la grogna.
- Ce n’est pas bien pour ta santé…
Elle saisissait de nouveau une cigarette et murmura, furax.
- Je m’en fiche, de toute façon, je vais finir par mourir.
Salma, prit un autre souffle de sa cigarette et regarda sa montre puis dit.
- On va tous finir par mourir.
Sans quitter son invitée d’un regard douteux, Ghada s’interrogea.
- Je peux savoir pourquoi tu n’arrêtes pas de regarder l’heure depuis un bout de temps ?
Un peu frustrée, Salma écrasa le cadavre de sa cigarette dans le cendrier et répondit.
- J’ai un rendez-vous chez l’esthéticienne.
Non convaincue, Ghada l’injecta d’un regard sévère puis se leva avec l’intention de continuer la tâche ménagère qu’elle a commencée. Une fois qu’elle s’éloigna d’elle en se dirigeant vers la cuisine, Salma saisissait son cellulaire et appela un numéro, en parlant d’une voix si basse et nerveuse.
- Où es-tu ?
La voix de son interlocuteur masculine la répondit.
- Je suis devant l’immeuble.
Les yeux fixés sur la porte, Salma continua d’une voix perturbée.
- D’accord, c’est l’appartement numéro 45 au 4ème étage !
Et raccrocha par la suite subitement en entendant le bruit de pas de son amie. Puis en sautant de sa place.
- Si tu veux un coup de main, dis le moi.
Ghada, sourit et dit en se moquant.
- Non merci, tu m’aides plus en restant assise.
Après quelques minutes, la porte s’écria. Un peu étonnée, elle se demanda.
- C’est qui ?
En secouant les épaules, Salma murmura d’une voix froide.
- Peut être Nader.
- Non, il a ses clés et ne revient jamais tôt à la maison surtout pas les samedis.
Sans développer une réelle conversation, Ghada se dirigea vers la porte. En l’ouvrant, son visage se teintait d’une immense pâleur, à la vue de Béhéddine, debout devant elle.
- Salut Ghada !dit-il en plongeant son regard dans le sien.
Elle se dressa avec son coude sur la poignée de la porte pour ne pas s’effondrer de la surprise et se demanda, en frissonnant.
- Comment t’as su où j’habitais ?
Sans la répondre, il la poussa un peu avec la paume de sa main, et son regard tomba sur une photo encadrée collée au mur du couloir, une photo d’elle et de son époux le jour de son mariage. Il regarda la photo d’une certaine tendresse et admiration, puis une expression d’une grande tristesse envahissait son visage.
- Pourquoi tu m’as menti, Ghada ?
Pendant ce temps là, Salma resta assise sur le canapé faisant semblant de visionner quelques vidéos tout en écoutant avec attention la conversation.
- Ce n’est pas ce que tu crois ! s’écria Ghada, tellement confuse, sans trouver de quoi alimenter sa défense.
Béhéeddine, lui jet un regard de travers cachant une profonde colère puis sortit de l’appartement en murmurant avec un ton d'amertume.
- Merci de m’avoir pris pour un con !
Elle ne disait rien, comme si sa langue était bloquée au fond de sa gorge, et le suivait dégringolant l’escalier jusqu’à ce qu’il disparaissait. Les yeux gonflés de pleurs, elle courut vers le salon, et hurla en tenant agressivement sa copine par la main.
- Sors de mon appartement.
- Quoi ? c’était qui ? s’écria Salma, en posant doucement le portatif sur la table ronde.
Emportée par la colère, Ghada grinça les dents et hurla avec hystérie.
- T’es vraiment une salope ! je ne veux plus te voir.
Salma se leva d’un bond, et répondit d’un ton sérieux.
- Je l’ai fait pour ton bien ! ce n’est pas digne d’une fille de bonne famille ce que tu fais, et ça tu le sais.
Sanglotant, Ghada hurla.
- Va-t-en, je ne veux plus te voir, sale garce !
- Tu dis ça parce que t’es en colère mais…
Ne pouvant plus la supporter, elle la tira violemment de son bras et la poussa.
- Sors de chez moi salope !
- D’accord ! d’accord !
Une fois qu’elle ferma la porte derrière elle, Ghada, faisait une partie de casse tout, un petit quart d’heure et finit par s’effondrer sur son canapé et d’étouffer ses pleurs sur le coussin.
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Pendant ce temps-là, un taxi s’arrêta devant la maison du chott. Une fois qu’elle payait la course du chauffeur, Sabrine sauta de l’arrière de la voiture. Elle fut surprise, en ne voyant pas la PASSAT de son patron garée devant la maison close.
Elle prit donc son Gsm et l’appela.
- Réponds putain ! s’écria-t-elle furieuse.
Mais les trois fois où elle l’appelait furent en vain. Inquiète, elle remit son cellulaire dans son sac à main et parla à elle-même comme une folle.
- Qu’est ce qu’il manigance ce salaud ?
Puis avala de l’air, monta les deux marches et frappa à la porte. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit, et ce fut Sondos qui l’accueillit.
- Qui vous êtes ?
Sabrine traça un sourire malin et dit.
- On dit bonjour, tout d’abord !
Froidement, Sondos l’injecta d’un regard de mépris et poursuivait sur le même ton.
- Bonjour, qui vous êtes ?
Sabrine, croisa les bras et badina.
- Ah, je crois que Nader, n’a pas pris la peine de me présenter à son staff ! et en persiflant, disons l’assistante sociale du gosse qui devrait être ici.
La porte semi ouverte, et en ne montrant que son visage, Sondos continua.
- Je ne sais pas de quoi tu parles. Je crois que tu te trompes de l’adresse madame.
- Je suis mademoiselle. Et en levant sur elle un regard sombre, ma chère Sondos.
Le visage tout pâle, cette dernière se demanda d’une voix frustrée.
- Qu’est ce que tu veux ?
En souriant, elle répliqua.
- Voyons tu ne m’invites pas à entrer ? tu sais c’est risqué de me laisser à la porte d’une maison close ?
Quand elle annonça cette phrase, éprise par la peur, Sondos, la tira de son bras vers l’intérieur et ferma violemment la porte. Sabrine, la suivait silencieusement dans le hall, puis murmura.
- À ce qu’il paraît Nader, ne t’as rien raconté.
En faisant un demi tour sur place, Sondos, répondit, frustrée.
- C’est un type cachotier.
En regardant avec une immense admiration la décoration de l’intérieur, Sabrine continua.
- C’est vraiment une demeure luxueuse ! et en s’asseyant sur le canapé, je présume aussi qu’il ne t’a pas dit qu’il comptait m’embaucher dans son activité bordélique.
- Pardon ? t’embaucher ? s’écria Sondos, en sentant une fureur incontrôlable l’envahir soudainement.
Mais leur petite conversation assez tendue, prit une légère pause lorsque Abir, sortait de la cuisine saisissant un plateau où elle déposait deux tasses de café, bien chaudes.
- Je suis certaine que tu vas adorer mon café, je suis une experte !
Puis sans regard tomba sur Sabrine, alors elle perdit sa langue, et posa la plateau sur le bureau. En la voyant, cette dernière sauta du canapé et s’approcha d’elle, les yeux grand ouverts de surprise.
- Abir ? qu’est ce que tu fais ici ?
Sondos, aussi surprise que les deux filles, s’interrogea.
- Vous vous connaissez ?
Abir, baissa les yeux sans dire le moindre mot mais sabrine ne la quitta pas d’un regard nostalgique.
- C’est ma sœur !