Le dernier soir n’est jamais celui que l’on croit

Publié le 28 avril 2010 par Fofifonfec

Ce n’était qu’un collègue de boulot. Un de ceux que je ne reverrai jamais. Il a loupé mon pot de départ à cause du boulot, une mission à l’extérieur. Il est revenu et c’était fini. Il restait des bouteilles, et je l’ai laissé boire tout seul dans son bureau, pendant que je vidais méticuleusement mes tiroirs de souvenirs. Après tout, qui c’est ce gars arrivé depuis 15 jours seulement dans cette boite que je quittais le soir même. Je me foutais même de lui la première fois que je l’avais vu. “Tu lui gueules dessus un peu fort et il pleure” que j’avais dit à une pote qui me l’avait décrit comme tout mou. On est méchante nous les filles.

Et puis un balcon, une clope, et la conversation s’est engagée toute seule. Alors tu vas où pourquoi comment qui quand. La clope de boulot s’est transformée en verre au troquet d’à côté. Trois verres, deux bars et un paquet de clopes plus tard, nous avions encore changer de terrasse, après s’être fait virer de la première vu l’heure tardive. A parler du Tchad, des yeux des vaches, de nos entreprises respectives que nous avions créées dans notre “jeunesse”, des bonnes librairies, du plafond de la carte bleue, des produits chinois, de la douceur d’un animal, des pédophiles, du métro parisien que j’aime et lui pas, de mon cheval qui m’attendrait ce soir même au bord du pré quand il entendrait le grincement du pneu arrière de ma zx, du suicide, du théatre, de sa fille, et tellement peu de notre boulot chronophage. De sujets sur lesquels je ne pensais même pas avoir quelque chose à dire.

Le deuxième bar a fermé aussi. Lui n’avait plus de cigarettes. Peut-être était-ce la pleine lune, la liberté de se laisser aller du dernier soir, l’esprit de contradiction face à l’impérieuse nécessité de faire les cartons à quelques heures du déménagement. Je ne sais pas. Toujours est-il qu’il est une heure du mat. Que nos amours sont mortes avant que d’exister disait l’autre.
M’en fous c’était beau. Du réverbère dans le gris de ses cheveux. Comme deux cons sur un trottoir au milieu d’un parking.

“Si tu donnes de tes nouvelles, c’est cool.” “Ouais mais je te promets pas.” “T’inquiète je sais ce que c’est.”
Et c’était moi qui répétait que c’était super sympa cette petite causette et merci beaucoup, alors qu’il cherchait ses clés de voiture dans son sac.

Je ne suis pas tombée amoureuse. Ce n’est pas du tout ça. Je suis juste tombée de haut, de très haut, dans une toute petite parenthèse intemporelle. Merde, il était intéressant ce mec tout mou tout timide qui prend rendez-vous avec les gens pour se présenter. Je l’aurais revu demain que je lui aurais adressé la parole au fin fond de son bureau de clopeur. Ensuite il aurait dit des banalités, il aurait eu des défauts. Tant mieux je ne le reverrai pas. Pourquoi celui-là a-t-il plus de conversation que l’Ex? Pourquoi je passe une bonne soirée avec un inconnu éphémère?

On s’en fout du pourquoi. Juste merci. Je m’en tiens souvent aux premières impressions. Merci de me montrer combien je me trompe.


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